Le président tunisien Kais Saied a fait publier dans la nuit de vendredi à samedi une version amendée de son projet de nouvelle Constitution, qui doit être soumis à un référendum le 25 juillet, mais le texte continue d’accorder de larges pouvoirs au chef de l’Etat.
Dans la nouvelle mouture publiée au Journal officiel vers minuit, M. Saied a modifié deux articles particulièrement controversés, l’un évoquant la place de l’islam et l’autre les droits et libertés. Au chapitre 5 de la nouvelle Constitution, le président a introduit la mention « au sein d’un système démocratique » dans la phrase affirmant que la Tunisie « fait partie de la communauté islamique » et que « l’Etat doit travailler pour atteindre les objectifs de l’islam ».
Cet article a été très critiqué par les défenseurs d’une séparation nette entre la religion et l’Etat qui dénonçaient de possibles ambiguités dans son interprétation. Amnesty International a estimé que cet article pourrait « autoriser la discrimination contre d’autres groupes religieux ».
Quelques heures avant la publication du nouveau texte, M. Saied a annoncé dans une vidéo officielle que « des précisions devaient être ajoutées (au premier texte publié le 30 juin) pour éviter toute confusion et interprétation ».
L’autre passage important concerne l’article 55 sur les droits et libertés. « Aucune restriction ne peut être apportée aux droits et libertés garantis dans la présente Constitution si ce n’est en vertu d’une loi et d’une nécessité imposées par un ordre démocratique », dit désormais l’article. Et d’éventuelles restrictions ne peuvent intervenir que « dans le but de protéger les droits d’autrui ou pour les besoins de la sécurité publique, de la défense nationale ou de la santé publique ».
Les partis d’opposition et plusieurs ONGs se sont inquiétés de l’article 55 qui donne, selon eux, toute latitude aux autorités pour limiter les libertés sans véritables gardes-fous. Pour le reste, M. Saied, auteur il y a un an d’un coup de force par lequel il s’est arrogé tous les pouvoirs, n’a pas modifié les grandes lignes du texte initial qui marque une rupture radicale avec le système parlementaire en place depuis 2014.
Le président exerce le pouvoir exécutif, avec l’aide d’un chef de gouvernement qu’il désigne, sans nécessité d’obtenir la confiance du Parlement. Le président est chef suprême des armées, définit la politique du pays, entérine les lois et peut aussi soumettre directement des textes législatifs au Parlement.
La nouvelle Constitution prévoit une forte réduction du rôle du Parlement et la mise en place d’une deuxième chambre devant représenter les régions. L’opposition et les ONGs ont dénoncé un texte taillé sur mesure et une trop forte concentration des pouvoirs entre les mains du président. Sadok Belaïd, le juriste que M. Saied avait chargé d’élaborer un projet de nouvelle Constitution s’est dissocié du texte final, estimant qu’il pourrait « ouvrir la voie à un régime dictatorial ».
AFP