Comme partout ailleurs, les réseaux sociaux influencent les débats en République centrafricaine (RCA) en colportant des informations pas toujours vérifiées. Et à Genève, un expert des Nations Unies s’est inquiété, mercredi, des campagnes de désinformation, les discours de haine et d’incitation à la haine dans l’espace public centrafricain.
Devant le Conseil des droits de l’homme de l’ONU, l’Expert indépendant des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme en RCA s’est dit très inquiet « des discours de haine, des incitations à la violence, le recours à la manipulation, à la désinformation et à la mésinformation dans les médias et sur les réseaux sociaux ».
« Cette situation empoisonne les relations entre les autorités centrafricaines, leurs partenaires techniques et financiers et les organisations de la société civile ; elle dégrade la confiance des acteurs et entrave le processus de réconciliation et la marche vers la paix », a déclaré Yao Agbetse.
Il appelle tous les acteurs, étatiques ou non étatiques, et partenaires techniques et financiers de la RCA, à s’abstenir de tout recours, relais ou caution à ces messages et met en garde leurs auteurs. Mais selon M. Agbetse, il appartient aux autorités centrafricaines de mettre un terme à cette désinformation et aux messages de haine et de violence.
Les forces bilatérales russes doivent faire l’objet de poursuites de la part de Moscou
A cet effet, l’Expert indépendant appelle les autorités centrafricaines à fournir les moyens juridiques et technologiques nécessaires au Haut Conseil de la Communication afin qu’il assure le monitoring des informations et des messages dans les médias et sur les réseaux sociaux.
Par ailleurs, M. Agbetse a regretté que les autorités centrafricaines « tardent » à donner plein effet à l’engagement solennel du Président Touadéra « d’élever la lutte contre l’impunité au rang des priorités gouvernementales ». A ce sujet, il rappelle le sort de Hassan Bouba, qui n’est toujours pas remis à la Cour pénale spéciale.
Face à la « soif encore inassouvie de la population sur le terrain de la lutte contre l’impunité », il a rappelé l’importance de donner suite aux conclusions des enquêtes menées par sa Commission d’enquête spéciale établie en mai 2021 sur les allégations d’exactions commises par les forces armées centrafricaines et leurs alliés russes.
« Des poursuites et procès contre les auteurs de ces violations et d’autres violations et abus graves devraient aussi être engagés sans délai », a-t-il fait remarquer.
« Les autres personnels de sécurité, y compris les forces bilatérales russes dont l’enquête de la Commission spéciale a conclu à l’établissement des faits de violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire doivent diligemment faire l’objet de poursuites de la part de leurs Etats d’origine. Il en va de même des Casques bleus impliqués dans des cas de violences sexuelles afin que justice soit rendue aux victimes », a-t-il ajouté.
Conséquences socio-politiques de la non- allocation des appuis budgétaires par la Banque mondiale, le FMI et l’UE
L’autre volet de son intervention a porté sur la non-allocation des appuis budgétaires par la Banque mondiale, le Fonds monétaire international (FMI) et l’Union européenne (UE). Les appuis budgétaires de 2021 d’environ 5% du PIB de la Banque mondiale et de l’UE n’ont pas été décaissés. Ces arriérés retardés et attendus en 2022, ne sont toujours pas débloqués, ce qui pose un risque substantiel pour la croissance économique, et met à mal le financement des services publics essentiels, la réduction de la pauvreté et la réalisation des programmes de la justice transitionnelle.
Or l’expert onusien redoute des conséquences sur les mécanismes de la justice transitionnelle et sur la population civile. Si la situation critique actuelle se poursuit, la RCA court le péril d’un « effondrement », a-t-il averti. M. Agbetse redoute des « tensions et troubles sociaux avec des risques de débordement dans toute la sous-région déjà fragilisée par des situations conflictuelles ».
« Cette situation d’instabilité donnerait un nouvel essor aux groupes armés qui reprendraient leurs velléités belliqueuses avec les violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire qui vont avec », a-t-il ajouté, relevant que ces tensions qui naitraient de ces troublent augmenteraient les flux migratoires sous régionaux et vers l’Europe.
Pour l’expert, tous les efforts accomplis jusqu’ici par la population, les partenaires internationaux et les autorités centrafricaines seraient réduits à néant. « Il est impérieux d’agir maintenant sans attendre », a-t-il insisté.
Cette mise en garde de M. Agbetse intervient alors que la communauté humanitaire en RCA estime à 2 millions le nombre de personnes ayant besoin d’aide d’ici fin 2022. Environ 3 millions de Centrafricains ont besoin d’aide humanitaire et de protection en 2022, soit 63% de la population. Selon le rapport d’OCHA du 29 juin 2022, la RCA 658.000 personnes déplacées sur le territoire centrafricain et 737.000 réfugiés.