Les partenaires d’un accord de paix jugé crucial pour la stabilisation du Mali en pleine tourmente se sont réunis jeudi pour la première fois dans la ville symbole de Kidal afin d’en faire avancer l’application.
Jamais le comité de suivi de l’accord dit d’Alger (pour avoir été négocié dans la capitale algérienne), ne s’était réuni dans cette ville du nord-est du Mali, qui demeure sous le contrôle de l’ancienne rébellion à dominante touareg, depuis sa signature en 2015.
Fait inédit depuis longtemps, le drapeau malien a été hissé dans la cour du gouvernorat de Kidal, fief touareg où l’Etat malien n’avait quasiment plus mis les pieds entre mai 2014 et février 2020 après que l’armée en eut été chassée avec de lourdes pertes.
La tenue de cette réunion dans une ville comme Kidal est censée matérialiser des progrès sur le plan politique, alors que l’horizon d’une sortie de crise au Sahel demeure très éloigné et que persistent les doutes sur les capacités des Etats à assumer leur tâche ainsi que les interrogations sur l’engagement militaire français dans la région.
Ces progrès politiques, à commencer par l’application de l’accord – qui se fait attendre et prévoit l’intégration d’ex-rebelles dans les forces de défense ainsi qu’une plus grande autonomie des régions – sont considérés comme le corollaire indispensable à la riposte militaire.
Le comité s’est réuni à l’approche d’un sommet des pays du G5 Sahel (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad) et de la France les 15 et 16 février à N’Djamena pour faire le point sur la situation dans la sous-région.
Dans une volonté évidente de manifester le ralliement derrière l’accord, le comité a réuni non seulement les parties signataires (anciens groupes armés rebelles et progouvernementaux) et les médiateurs algériens, mais aussi des représentants des cinq pays membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU, plusieurs ministres maliens et le chef de la mission de l’ONU (Minusma) Mahamat Saleh Annadif.
« C’est la première fois je vois un (comité de suivi) où toute la communauté internationale est représentée.C’est un symbole important et on le fait sous le drapeau du Mali », a dit M. Annadif.
Il a dit croire à « une dynamique » qu’il attribue à la médiation internationale, mais aussi aux autorités de transition maliennes mises en place après le putsch d’août 2020 et toujours dominées par les militaires.
Le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, intervenant par visioconférence, a vu « tout un symbole » dans cette réunion à Kidal, celui d’une « dynamique positive » observée à ses yeux ces derniers mois.
– La forme et le fond –
En siégeant à Kidal, le comité de suivi envoie le message que la souveraineté malienne doit aussi s’appliquer ici alors que les deux tiers de ce vaste pays échappent à l’autorité de l’Etat central.
Un diplomate occidental s’exprimant sous le couvert de l’anonymat à Bamako a mis en garde contre le fait que ce comité ne devait pas constituer un « trompe-l’oeil où la forme prime sur les progrès de fond ».
Attaye Ag Mohamed, un représentant dans cette instance de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), l’ex-rébellion, a exprimé la volonté d’aller « au-delà du symbole ». »Pour la première fois à un (comité de suivi), il y a eu des propositions concrètes », a-t-il dit, dans les domaines de l’éducation, de la santé ou encore dans l’implication des femmes dans le suivi de l’accord.
Le chef de la mission de l’ONU a évoqué le déploiement, prochain selon lui à Kidal, du bataillon incorporant d’anciens rebelles, ainsi que la construction d’un barrage pour constituer des réserves d’eau.
Une précédente réunion du comité de suivi prévue en septembre 2019 à Kidal avait été reportée.
Quelques jours encore avant la réunion de jeudi, la CMA avait semé le trouble en annonçant la création d’une zone de défense relevant de son état-major dans le nord du Mali.
Depuis 2012 et le déclenchement de rébellions indépendantiste puis jihadiste dans le Nord, le Mali est plongé dans une tourmente multiforme qui a fait des milliers de morts, civils et combattants, malgré le soutien de la communauté internationale et l’intervention de forces de l’ONU, africaines et françaises.
Malgré la signature de cet accord par les ex-rebelles, le Mali reste en proie aux agissements des groupes liés à Al-Qaïda et à l’organisation Etat islamique (EI), aux violences intercommunautaires et aux trafics en tous genres.Ces violences se sont propagées au Burkina et au Niger voisins.
AFP