Des milliers de personnes ont à nouveau manifesté mardi à Bamako pour réclamer le départ du président Ibrahim Boubacar Keïta, malgré les appels à trouver une issue négociée à la crise qui ébranle depuis juin le Mali et inquiète la communauté internationale.
Les appels au dialogue de la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) et la pluie n’ont pas découragé les opposants, qui se sont rassemblés au son des vuvuzelas Place de l’Indépendance, au centre de la capitale malienne.
Deux mois après le début des manifestations, le mot d’ordre reste le même: « Notre objectif est la démission d’IBK (Ibrahim Boubacar Keïta) et de son régime », selon Issa Kaou Djim, le coordinateur de la plate-forme (CMAS) de soutien à l’imam Mahmoud Dicko, figure de proue du mouvement de contestation.
Les pancartes brandies par les manifestants, telles que « IBK dégage », visaient le président Keïta, au pouvoir depuis 2013, mais aussi son Premier ministre Boubou Cissé, reconduit dans ses fonctions en juin, ont constaté des correspondants de l’AFP.
C’est la première manifestation contre le pouvoir depuis le 21 juillet, date à laquelle l’opposition avait annoncé une trêve à l’occasion de la fête musulmane de l’Aïd al-Adha.
Dix jours plus tôt, une manifestation à l’appel de l’opposition avait dégénéré en un weekend de troubles meurtriers, les plus graves à Bamako depuis le coup d’Etat de 2012.
Ces violences on exacerbé les tensions dans ce pays meurtri par des années de violences jihadistes et intercommunautaires et frappé par la pandémie de coronavirus.
La crise actuelle, qui fait craindre à la communauté internationale que le Mali s’enfonce dans le chaos, a vu le jour début juin, après l’invalidation d’une trentaine de résultats des législatives de mars-avril par la Cour constitutionnelle, dont les membres ont depuis lors été remplacés.
La contestation est menée par le Mouvement du 5 juin/Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP), une coalition hétéroclite de chefs religieux, de responsables politiques et de membres la société civile.
Cette alliance, qui peine parfois à s’exprimer d’une seule voix, s’est substituée à une opposition classique rendue atone par l’enlèvement en mars de son chef, Soumaïla Cissé, toujours détenu par de présumés jihadistes.Les manifestants ont réclamé mardi sa libération.
– Appel à « la retenue » –
L’appel à manifester a été maintenu par le M5 malgré l’appel à la retenue de la Cédéao, qui a prôné la constitution d’un gouvernement d’union nationale – auquel l’opposition refuse jusqu’à présent de participer – tout en excluant un départ forcé du président Keïta.
Le principal médiateur de l’organisation ouest-africaine, l’ex-chef d’Etat nigérian Goodluck Jonathan, est revenu lundi au Mali.
« J’invite les organisateurs des manifestations à faire preuve de retenue.Toute la communauté internationale sait qu’il y a des difficultés au Mali.Nous tentons d’aider le peuple malien à les résoudre », a-t-il dit lors d’une conférence de presse lundi soir.
Goodluck Jonathan a estimé que le pays « enregistre des progrès » avec « la mise en place de la Cour constitutionnelle », avant d’appeler à « rester strictement dans le cadre du dialogue ».
Alors que la crise politique perdure à Bamako, les violences se poursuivent dans le reste du pays, dont de vastes régions, au centre et dans le nord, échappent au contrôle de l’Etat malgré la présence de forces de l’ONU, françaises et ouest-africaines.
Un gendarme et un gardien de prison ont été tués dans la nuit de lundi à mardi lors d’une attaque menée par un groupe armé contre la gendarmerie et la prison de Kimparana (centre), selon le procureur de la région de Ségou, Dramane Diarra.
La brigade de gendarmerie a été « incendiée » et cinq détenus « se sont évadés », a indiqué le procureur, sans préciser l’identité des assaillants.
Les forces armées maliennes ont essuyé plusieurs sérieux revers dans la région de Ségou depuis le début de l’année, lors d’attaques revendiquée ou attribuées à de présumés jihadistes.
Le centre du Mali est pris dans un tourbillon de violences depuis l’apparition en 2015 d’un groupe jihadiste dirigé par le prédicateur peul Amadou Koufa, qui a rejoint le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), principale alliance jihadiste du Sahel, affiliée à Al-Qaïda, dès sa création en 2017.
Ces violences jihadistes se sont étendues aux pays voisins, Niger et Burkina Faso.