Un tribunal d’Abidjan a condamné jeudi Yode et Siro, un duo de chanteurs populaires en Côte d’Ivoire, à « douze mois de prisons avec sursis » pour troubles à l’ordre public et diffamation, après avoir critiqué publiquement un magistrat.
Les deux chanteurs ont également écopé d’une amende de cinq millions de FCFA (7.600 euros) d’amende chacun, lors d’un procès en flagrant délit. »Vous avez une période probatoire de cinq ans pour vous assagir sinon le sursis sera levé », a averti le juge Charles Béni.
Le procureur avait requis « 24 mois de prison » pour ces deux chanteurs ivoiriens placés en garde à vue mercredi après une longue audition à la gendarmerie.
Yode et Siro avaient critiqué le travail du procureur d’Abidjan Richard Adou lors d’un concert le week-end passé à Yopougon, un quartier populaire de la capitale ivoirienne.
« Le procureur (…) est le procureur d’un seul camp. C’est quel pays ? Allez dire au procureur Adou Richard qu’un mort est un mort », avaient chanté les artistes, selon une vidéo partagée sur les réseaux sociaux.
« Ce procès est celui de la liberté de conscience, de la liberté d’expression et de penser » a réagi leur avocat, Me Dogbemin Koné, dans une salle archi-comble.
« Nous allons faire appel parce que nous estimons que les infractions ne sont pas constituées », a annoncé, de son côté, l’autre avocat Jean-Serge Gbougnon.
Yodé (Dally Djédjé, à l’état civil) et Siro (Sylvain Decavailles Aba) sont connus pour être très critiques, à travers leurs chansons, envers le pouvoir politique, aussi bien le régime actuel du président Alassane Ouattara que le régime précédent de l’ex-chef de l’Etat Laurent Gbagbo.
« On dit quoi ? », un des titres de leur album « Héritage » sorti cette année, a été souvent repris lors des réunions de l’opposition. Yode et Siro, célèbres en Côte d’Ivoire depuis le début des années 2000, font du zouglou, un genre musical engagé très populaire né en 1990 dans les cités universitaires d’Abidjan.
Cette musique aborde les problèmes de société, n’hésitant pas à critiquer les hommes politiques, la mauvaise gouvernance ou la corruption.
L’élection présidentielle du 31 octobre, à l’issue de laquelle le président Alassane Ouattara a été réélu pour un troisième mandat controversé, jugé inconstitutionnel par l’opposition, a entraîné des troubles ayant fait au moins 85 morts et près de 500 blessés depuis août.
Ces troubles ont débouché sur l’arrestation et la détention depuis plusieurs semaines de personnalités politiques, dont le porte-parole de l’opposition, l’ancien Premier ministre Pascal Affi N’Guessan et Maurice Guikahué, numéro deux du principal parti d’opposition.
La tension en Côte d’Ivoire a cependant nettement baissé depuis une rencontre entre le président Ouattara et le principal opposant, l’ex-chef de l’Etat Henri Konan Bédié, le 11 novembre.
AFP