Dans une région frappée par les invasions acridiennes et la pandémie de Covid-19, une troisième année consécutive de pluies insuffisantes fait peser une lourde menace sur la sécurité alimentaire sur la Corne de l’Afrique, a averti lundi l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO)
Alors que cette région est déjà exposée à l’insécurité alimentaire en raison des conditions météorologiques extrêmes, de la rareté des ressources naturelles et des conflits, la pandémie de Covid-19 et l’invasion acridienne de 2020 et 2021 ont poussé les capacités d’adaptation des communautés rurales à leurs limites, ce qui a sapé la productivité agricole.
Selon la FAO, une troisième saison de sécheresse due à La Niña fait craindre le pire. L’agence onusienne redoute les conséquences de l’apparition d’une crise alimentaire de grande ampleur dans la région si les communautés rurales productrices de denrées alimentaires ne reçoivent pas une aide adaptée et en temps utile pour répondre aux besoins des saisons agricoles à venir.
« Il est urgent de soutenir les pasteurs et les exploitations agricoles de la Corne de l’Afrique, immédiatement, car le cycle des saisons n’attend pas », a déclaré Rein Paulsen, Directeur du Bureau des urgences et de la résilience de la FAO.
La FAO redoute que la situation figure parmi les pires crises alimentaires au monde
Plus de 25 millions de personnes se trouveront en Éthiopie, au Kenya et en Somalie dans une situation d’insécurité alimentaire très aiguë d’ici à la mi-2022, selon des projections de la FAO. Si ce scénario devait se concrétiser dans ces trois pays les plus touchés, la situation dans la Corne de l’Afrique figurerait parmi « les pires crises alimentaires au monde ». Le temps presse, a prévenu M. Paulsen.
En cette période de soudure qui vient de commencer, les possibilités de pâturage sont peu nombreuses pour les familles de pasteurs, et leur bétail va avoir besoin d’un soutien nutritionnel et vétérinaire. Quant aux familles qui vivent des cultures, elles doivent disposer des semences et des autres fournitures nécessaires pour pouvoir commencer leur travail dès le début de la principale saison de plantation, en mars.
Dans le cadre de son plan d’intervention face à la sécheresse dans la Corne de l’Afrique, la FAO appelle à la mobilisation de plus de 138 millions de dollars pour aider les communautés rurales à faire face à cette menace. Sur ce montant, 130 millions doivent être débloqués d’ici fin février pour apporter de toute urgence une aide aux communautés particulièrement vulnérables, tributaires de l’agriculture, dans les trois pays les plus touchés.
Pour la FAO, il est encore possible d’éviter ce scénario catastrophe. Il s’agit donc « d’agir rapidement et au bon moment pour fournir de l’eau, des semences, des aliments pour animaux, des soins vétérinaires et de l’argent aux familles rurales en danger ».
Plan d’action de la FAO pour des solutions durables
Dans le cadre de son plan d’intervention face à la sécheresse, la FAO vise à apporter un soutien à 1,5 million de personnes parmi les populations rurales les plus exposées en Éthiopie, au Kenya et en Somalie. Pour les familles de pasteurs, il s’agit entre autres choses de fournir des aliments pour animaux et des suppléments nutritionnels et aussi de faire fonctionner des cliniques vétérinaires mobiles pour que les animaux restent en bonne santé et produisent du lait.
Pour les familles qui vivent des cultures, la FAO a pour objectifs de distribuer des semences de variétés tolérantes à la sécheresse et à maturité précoce de sorgho, de maïs, de niébé et de haricot mung (riche en protéines), ainsi que des légumes riches en nutriments et d’assurer l’accès à l’irrigation. Les programmes « espèces contre travail » permettront aux ménages valides de gagner un revenu supplémentaire en participant à la remise en état des infrastructures agricoles, comme les canaux d’irrigation ou les puits tubulaires.
En Somalie, le plan de la FAO prévoit la fourniture de bateaux, de matériel et de formations pour aider les communautés côtières qui ne pratiquent pas habituellement la pêche à s’assurer une nouvelle source de calories et de protéines dont elles ont bien besoin. S’il est entièrement financé, ce plan permettra de produire jusqu’à 90 millions de litres de lait et jusqu’à 44.000 tonnes de cultures de base au cours du premier semestre 2022.
L’action internationale a permis d’éviter une famine en 2017
Cette intervention de la FAO permettra d’aider pendant au moins six mois plus d’un million de personnes qui se trouvent en situation de grande insécurité alimentaire. En permettant aux gens de rester dans leur région, de rester productifs et de préserver leurs moyens de subsistance, tout en renforçant leur résilience, elle jettera aussi les bases d’une stabilité et d’une sécurité alimentaire à plus long terme.
« Il est temps d’investir davantage dans la lutte contre les facteurs de la faim et de renforcer la capacité des gens à continuer de produire même lorsqu’ils sont frappés par des chocs comme la sécheresse, afin que les chocs inévitables ne se transforment pas inévitablement en crises humanitaires », a ajouté M. Paulsen.
En 2011, une grave sécheresse a contribué à l’apparition d’une famine en Somalie, qui a fait périr plus de 260.000 personnes d’inanition, pour la plupart avant la déclaration officielle de la famine. Toutefois, en 2017, des famines qui auraient pu apparaître en raison de la sécheresse dans quatre pays de la grande Corne de l’Afrique ont été évitées grâce à une action internationale concertée, qui visait à agir rapidement et à aider en priorité les communautés rurales à faire face aux stress avant que ceux-ci ne dégénèrent en crises alimentaires.