L’Union européenne (UE) va suspendre le versement de près de 90 millions d’euros d’aide budgétaire à l’Ethiopie « en raison du conflit » dans la région du Tigré, selon un document européen interne consulté mercredi par l’AFP.
Interrogée par l’AFP, une porte-parole de la Commission européenne à Bruxelles a confirmé la suspension de paiements « prévus d’ici la fin de l’année », car, « en raison des circonstances actuelles, l’UE n’est pas en mesure d’apporter le soutien budgétaire prévu ».
Le soutien budgétaire peut dépendre « de considérations politiques, si nécessaire », précise-t-elle, indiquant que la reprise des paiements était soumise à plusieurs « conditions ».
Les autorités éthiopiennes doivent notamment « garantir un accès humanitaire total pour permettre aux acteurs d’atteindre les populations dans le besoin (au Tigré), conformément au droit humanitaire international », a expliqué cette porte-parole, Ana Pisonero-Hernandez, dans un courrier électronique.
Parmi les autres conditions, « les civils doivent pouvoir trouver refuge dans les pays voisins, les mesures basées sur l’ethnie et les discours de haine doivent cesser », les autorités doivent « enquêter sur les allégations de violations des droits humains » et « rétablir pleinement les réseaux de communications et l’accès des médias au Tigré ».
« Le report de ces décaissements ne signifie pas que ces fonds sont perdus pour le gouvernement de l’Ethiopie », précise le document consulté par l’AFP.
En outre, cette décision « n’affecte pas les programmes humanitaires de l’UE sur le terrain ou les autres mesures de développement, qui continueront à être mis en oeuvre normalement », souligne Ana Pisonero-Hernandez.
Au total, le versement de 88,5 millions d’euros est suspendu, selon le document consulté par l’AFP: 60 millions destinés à développer les liens logistiques et les connexions entre l’Ethiopie et ses voisins, 17,5 millions de soutien au budget du secteur de la santé et 11 millions pour un programme de créations d’emploi, notamment à destination des réfugiés.
Un porte-parole du Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed a transmis les questions de l’AFP au ministère des Finances, qui n’a pas répondu dans l’immédiat.
Prix Nobel de la paix en 2019, M. Abiy a lancé le 4 novembre une opération militaire contre les autorités du Front de libération du Peuple du Tigré (TPLF), parti à la tête de la région après avoir longtemps détenu le pouvoir réel en Ethiopie et qui défiait le gouvernement fédéral depuis plusieurs mois.
Les combats auraient fait des milliers de morts selon l’International Crisis Group (ICG), mais aucun bilan précis n’est disponible. Près de 50.000 habitants du Tigré ont fui au Soudan voisin et au moins 63.000 ont été déplacés dans la région selon l’ONU.
Malgré la victoire proclamée par le gouvernement le 28 novembre, l’ONU estime que des combats continuent au Tigré et se plaint que le gouvernement ne l’autorise pas à accéder à la région, où « des personnes ont besoin d’aide ».
Le Tigré est resté quasiment coupé du monde – notamment privé d’approvisionnement – pendant plus d’un mois, mais le réseau téléphonique a récemment été partiellement restauré et le gouvernement affirme que la vie reprend son cours.
AFP