Le candidat du parti au pouvoir au Burundi, Évariste Ndayishimiye, devrait être proclamé lundi vainqueur de l‘élection présidentielle du 20 mai par la Commission électorale, à en croire les résultats partiels qui lui accordent une très large avance sur ses adversaires.
La Commission électorale nationale indépendante (Céni) annoncera à partir de 12H00 GMT les résultats de la présidentielle et des législatives, après avoir publié ceux des communales. Les chiffres définitifs seront rendus publics le 4 juin.
Le parti au pouvoir, le CNDD–FDD, est donné large vainqueur de ces trois élections selon les résultats partiels des 119 communes du pays publiés depuis jeudi par les médias burundais.
Le général Ndayishimiye, 52 ans, devrait ainsi succéder au président Pierre Nkurunziza. Au pouvoir depuis 2005, celui-ci avait décidé de ne pas se représenter pour un quatrième mandat, et l’avait adoubé comme son “héritier”.
Le principal candidat de l’opposition, Agathon Rwasa, président du Conseil national pour la liberté (CNL), a déjà qualifié ces résultats de “fantaisistes”, et a accusé le pouvoir de “tricherie” et de “pure manipulation”.
Selon des résultats partiels compilés par l’AFP et portant sur 105 communes, M. Ndayishimiye obtient la majorité absolue des voix dans 101 communes. Dans les quatre communes où il est battu, il ne fait jamais moins de 43% des voix. Il obtient au moins 70% des voix dans 66 communes et plus de 50% dans 35 autres.
Même si ces élections, maintenues malgré l‘épidémie de nouveau coronavirus, se sont globalement déroulées dans le calme, le CNL dénonce depuis mercredi les pressions exercées sur ses assesseurs, dont certains ont été arrêtés, ainsi que des fraudes massives.
‘Encourager l’ouverture’
M. Rwasa n’obtient ainsi que 24,6% des voix à Kabezi, une commune de la province du Bujumbura-rural (ouest) qui est pourtant considérée comme l’un de ses fiefs historiques.
Le CNL s’indigne aussi du cas de la commune de Musigati (ouest), où M. Ndayishimiye réunit 99,9% des voix. Or le taux de participation y serait de plus de 102%, selon un calcul de l’AFP.
De nombreux témoins dans tout le pays et des journalistes burundais ont confirmé à l’AFP la validité de ces accusations, alors qu’aucune mission d’observation de l’ONU ou de l’Union africaine n’avait été autorisée par le gouvernement.
Les analystes s’attendaient à un duel disputé entre le général Ndayishimiye et Agathon Rwasa, qui avait attiré les foules pendant la campagne, émaillée de violences et d’arrestations arbitraires.
Un diplomate en poste au Burundi a émis de forts doutes sur les résultats. “On s’attendait à ce que ça se passe comme ça, personne ne pouvait imaginer une seule seconde que le CNDD–FDD et ses généraux cèderaient ainsi le pouvoir”, a-t-il déclaré à l’AFP, sous couvert de l’anonymat.
“S’il n’y a pas de violences, tout le monde se contentera du résultat qui va être annoncé”, a-t-il prédit. “On va positiver, en prenant acte du nouveau visage du pouvoir CNDD–FDD (…) afin d’encourager le changement et l’ouverture politique.”
La Belgique, l’ancienne puissance coloniale, a déjà montré une volonté d’apaisement en disant voir dans ce processus électoral une opportunité de “renforcer” une relation qui s’est fortement dégradée depuis 2015.
La tutelle de Nkurunziza
Le Burundi est sous le coup de sanctions de ses principaux bailleurs de fonds (UE, Belgique, Allemagne…) depuis la crise politique de 2015, déclenchée par la candidature de M. Nkurunziza à un troisième mandat controversé, et qui a fait au moins 1.200 morts et poussé à l’exode quelque 400.000 Burundais.
Le pays est tenu d’une main de fer par le régime, grâce aux Imbonerakure, la ligue de jeunesse du CNDD–FDD, et au Service national du renseignement (SNR), qui sèment la terreur dans la population.
Agathon Rwasa a déjà laissé entendre qu’il n’en appellerait pas à la rue pour l’instant et se contenterait d’un recours devant la Cour Constitutionnelle. Sans se faire aucune illusion sur son issue, car il considère cet organe soumis au pouvoir.
La communauté internationale semble prête à s’accommoder du général Ndayishimiye, considéré comme plus conciliant que M. Nkurunziza. Même si, en tant que secrétaire général du CNDD–FDD depuis 2016, il n’a pas empêché les violations des droits de l’homme.
Reste aussi à voir comment “Neva”, son surnom, saura s‘émanciper de la tutelle de M. Nkurunziza, qui a été élevé au rang de “guide suprême du patriotisme” en février par l’Assemblée nationale et restera le président du très influent Conseil des sages du parti.
Si la Céni confirme sa victoire, M. Ndayishimiye sera investi en août, à la fin du mandat de M. Nkurunziza, pour sept ans. Il a promis de faire du rétablissement économique du pays sa priorité.
Le Burundi est en effet classé parmi les trois pays les plus pauvres au monde selon la Banque mondiale, qui estime que 75% de la population vit en-dessous du seuil de pauvreté, contre 65% à l’arrivée au pouvoir de M. Nkurunziza en 2005.
AFP