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5 ans agoon
Devant le Conseil des droits de l’homme de l’ONU ce mardi à Genève, le Président de la Commission d’enquête sur le Burundi, Doudou Diène, a souligné que des citoyens burundais continuent de vivre dans « une peur créée par un environnement imprévisible de suspicion, dans lequel tout citoyen Burundais peut devenir une victime ».
« Ils y demeurent en faisant profil bas jusqu’à ce qu’un incident plus grave ne se produise ou que la peur ne devienne trop forte, et qu’ils se sentent alors forcés à quitter le pays », a déclaré le juriste sénégalais.
Le Président de la Commission d’enquête, tout en reconnaissant « que le Burundi n’est pas dans une situation de conflit armé qui se traduirait par des incidents de violence à grande échelle », a estimé toutefois « que la situation reste très préoccupante ».
Les enquêteurs de l’ONU estiment d’ailleurs que les violations graves des droits de l’homme continuent depuis mai 2018, notamment des exécutions sommaires, des disparitions, des arrestations et détentions arbitraires, ainsi que des cas de torture, de mauvais traitements et de violence sexuelle, et des restrictions des libertés publiques.
« Des cas de violence sexuelle ont également été documentés », ont-ils relevé. La majorité des victimes ont été des femmes et des filles, et dans une moindre mesure, des hommes, mineurs et adultes. Ces violences ont le plus souvent pris la forme de viol collectif, y compris dans le cadre d’attaques nocturnes à leur domicile, ont observé les enquêteurs.
« Les victimes, dont certaines avaient été récemment rapatriées au Burundi, ont été ciblées en raison de leur appartenance supposée, ou celle d’un membre de leur famille, à l’opposition ou à un mouvement rebelle, ou pour leur refus de joindre le CNDD-FDD ou les Imbonerakure », ont dénoncé les membres de la Commission.
De plus, alors que « la population ne cesse de s’appauvrir », tous les foyers sont obligés de contribuer à de multiples causes nationales ou locales, notamment pour financer les élections de 2020. Les personnes qui n’ont pas pu verser la somme exigée par la Ligue des jeunes, les Imbonerakure, généralement chargée de collecter ces contributions, sont souvent maltraitées.
« Mais nous prenons note que dans son message à la Nation du 30 juin, le chef de l’État a annoncé que le montant nécessaire ayant été presque collecté, la contribution obligatoire mensuelle aux élections de 2020 pour les fonctionnaires de l’État était suspendue », a ajouté M. Diène. « Il ne peut y avoir d’élections justes lorsque l’intolérance politique est manifeste ».
Certaines de ces violations ont principalement une dimension politique, ayant été commises suite au référendum constitutionnel de mai 2018 ou dans le contexte de la préparation des élections de 2020.
Pour les enquêteurs onusiens, le parti au pouvoir cherche à assurer « son omniprésence sur l’ensemble du territoire en continuant à recruter de nouveaux membres sous la contrainte, en obligeant l’ensemble de la population à le financer au travers de contributions collectées par des Imbonerakure, et à participer à la construction de ses permanences locales ».
S’agissant des élections de 2020, la Commission appelle à la vigilance de la communauté internationale quant à la préparation et la tenue de ce scrutin. Selon le M. Diène, il ne peut y avoir d’élections libres et crédibles lorsque seul le parti au pouvoir est en mesure d’opérer et tend à se confondre avec les institutions étatiques.
« Il ne peut y avoir d’élections justes lorsque l’intolérance politique est manifeste, et se concrétise dans de multiples violations des droits fondamentaux des membres des partis d’opposition », a ajouté M. Diène. Selon les enquêteurs onusiens, il ne peut y avoir d’élections transparentes lorsque les libertés publiques ne sont plus que théoriques, et que les témoins et observateurs indépendants comme la presse et les organisations non-gouvernementales sont progressivement neutralisés, exclus ou interdits.
« La fermeture du Bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme atteste éloquemment de cette situation », ont d’ailleurs regretté les enquêteurs onusiens.
Face à une telle situation, la Commission invite Bujumbura à « prendre immédiatement des mesures drastiques afin de redonner vitalité à l’espace démocratique nécessaire à des élections crédibles, et donc instaurer un climat de tolérance politique ».
« Dans le cas contraire, les élections de 2020 pourraient devenir le théâtre d’une détérioration grave de la situation des droits de l’homme », ont averti les enquêteurs de l’ONU, non sans rappeler une histoire électorale burundaise « toujours été marquée par de la violence et de graves violations des droits de l’homme ». D’autant que « le contexte pré-électoral actuel en montre déjà des signes inquiétants ».
A cet égard, la Commission s’est préoccupée du rétrécissement de l’espace démocratique et de la restriction des libertés publiques qui se sont intensifié depuis quelques mois. Les médias sont censurés et les sanctions sont parfois lourdes, avec notamment une suspension ou un retrait de licence.
« Toute référence aux violations des droits de l’homme commises au Burundi est considérée comme des tentatives de déstabilisation et est immédiatement réprimée », ont fait valoir les enquêteurs onusiens.
Outre le contrôle et les sanctions contre les organisations non-gouvernementales nationales et étrangères, les Églises sont même désormais dans le collimateur du pouvoir burundais. Par exemple, le 11 juin 2019, les évêques catholiques du Burundi ont exprimé leurs préoccupations quant à « la montée progressive de l’intolérance politique qui […] s’avère cause d’affrontements et même de morts ». « Ils ont été immédiatement rappelés à l’ordre pour qu’ils s’abstiennent de tout propos de « nature politique », a relevé M. Diène.
Devant un tel climat, la Commission d’enquête a donc décidé de déterminer si des facteurs de risque spécifiques d’aggravation des violations des droits de l’homme sont présents dans le contexte préélectoral et électoral.
Pour ce faire, l’équipe de Doudou Diène continue de suivre avec attention l’évolution de la situation des droits de l’homme et invite la communauté internationale et les membres de ce Conseil à rester vigilant quant à la situation des droits de l’homme au Burundi.
Mais en réponse à ce sombre tableau décrit par la Commission, le Représentant permanent du Burundi auprès de l’ONU à Genève a parlé « d’actes de sabotage » et dénoncé un document « mensonger ». « Cette Commission est tombée dans des considérations politiciennes », a déploré l’Ambassadeur Rénovat Tabu. Pour Bujumbura, les élections de 2020 se préparent, avec une feuille de route et une Commission nationale déjà « opérationnelles ».
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