Des groupes islamistes armés, des membres des forces de sécurité gouvernementales et des milices multiplient les abus à l’encontre des civils au Burkina Faso alors que le conflit s’intensifie et se répand dans ce pays, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Le gouvernement du Burkina Faso, qui est arrivé au pouvoir par un coup d’État en janvier 2022, devrait mieux protéger les civils contre les attaques et s’assurer que les forces gouvernementales respectent les droits humains.
Les groupes islamistes armés qui ont commencé à attaquer le Burkina Faso en 2016 sont devenus de plus en plus abusifs, commettant des centaines de meurtres, d’exécutions sommaires et de viols de civils, ainsi que des pillages généralisés. En outre, depuis 2016, les forces de sécurité gouvernementales et les milices engagées dans des opérations antiterroristes auraient tué illégalement des centaines de civils et de combattants islamistes présumés, favorisant ainsi le recrutement au sein des groupes armés. Les combats ont forcé 1,8 million de personnes à quitter leur foyer, la plupart dans les régions du Sahel et du Centre-Nord du pays.
« Les groupes islamistes armés démontrent jour après jour leur profond mépris pour la vie et les moyens de subsistance des civils », a déclaré Corinne Dufka, directrice pour le Sahel à Human Rights Watch. « Les forces gouvernementales et les milices alliées devraient respecter scrupuleusement le droit international des droits humains et le droit international humanitaire, et s’abstenir de tuer au nom de la sécurité. »
Du 7 au 21 avril 2022 à Ouagadougou, la capitale, ainsi qu’à Kaya, Human Rights Watch a interrogé 83 survivants et témoins d’incidents survenus entre septembre 2021 et avril 2022 dans les régions de la Boucle du Mouhoun, de Cascades, du Centre-Nord, de l’Est, du Nord, du Sahel et du Sud-Ouest au Burkina Faso. Human Rights Watch a également interrogé des professionnels de santé, des analystes des questions de sécurité, des responsables gouvernementaux, des diplomates étrangers, des représentants des Nations Unies et des travailleurs humanitaires.
Des villageois ont déclaré que des combattants islamistes lourdement armés avaient tué des civils lors d’attaques, et avaient posé des engins *explosifs *improvisés (EEI) mortels. Dans des dizaines de cas, des combattants ont violé et maltraité des femmes et des filles qui étaient sorties pour aller chercher du bois, qui se rendaient au marché ou en revenaient, ou qui fuyaient les violences.
Les combattants ont également incendié des villages, réquisitionné des ambulances et pillé des centres de santé, détruit des infrastructures essentielles (eau, télécommunications et électricité) et se sont livrés à des pillages à grande échelle. Plusieurs villageois ont déclaré avoir vu de nombreux enfants soldats, dont certains n’avaient pas plus de 12 ans, dans les rangs des islamistes armés.
Un habitant d’Ankouna a décrit ainsi les conséquences d’une de ces attaques par des islamistes armés : « Quand je suis revenu le lendemain, le village était encore fumant. [Il y avait] les corps de six personnes, dont mon frère, abattu en essayant de sauver un enfant à 10 mètres de son magasin. J’ai vu cinq personnes, dont un homme de 70 ans, mortes dans une maison. Ils avaient reçu des balles dans le dos ou dans la tête. »
D’autres villageois ont déclaré que les forces de sécurité gouvernementales et les milices pro-gouvernementales, appelées Volontaires pour la défense de la patrie (VDP), avaient procédé à des exécutions illégaux et à des disparitions forcées de dizaines de civils et de combattants islamistes présumés, principalement dans les régions de l’est et du sud du Burkina Faso.
Toutes les parties au conflit armé sont tenues de respecter le droit international humanitaire, notamment l’article 3 commun aux Conventions de Genève de 1949 et le droit coutumier de la guerre, qui requiert un traitement humain des combattants capturés et exige que les exécutions sommaires, les viols et les disparitions forcées fassent l’objet de poursuites en tant que crimes de guerre.
Le gouvernement du Burkina Faso devrait abroger la clause d’immunité figurant dans le statut des Forces spéciales (FS), une unité antiterroriste créée en 2021 ; cette clause accorde aux membres des FS l’immunité pour toute action entreprise « au cours de leurs opérations ». En coordination avec les Nations Unies et les agences d’aide, le gouvernement devrait accroître le soutien médical, psychosocial et de santé mentale aux victimes d’abus, notamment pour les violences sexuelles et sexistes.
« Il y a eu très peu d’enquêtes, et encore moins de poursuites, pour les atrocités qui ont ponctué le conflit au Burkina Faso », a déclaré Corinne Dufka. « Le gouvernement devrait veiller à ce que des prévôts chargés des droits des détenus et de la discipline des soldats soient présents lors de toutes les opérations militaires, et devrait adopter des mesures afin d’assurer que les suspects soient jugés lors de procès équitables devant des tribunaux civils et militaires. »