Le premier président élu démocratiquement au suffrage universel en Tunisie, Béji Caïd Essebsi, est décédé jeudi à l’âge de 92 ans, ouvrant la voie à une élection présidentielle anticipée qui se tiendra probablement en septembre dans ce pays pionnier du Printemps arabe.
Aussitôt après son décès, le chef du Parlement Mohamed Ennaceur, 85 ans, a prêté serment pour assurer la présidence par intérim conformément à la Constitution. Celle-ci prévoit un intérim de 90 jours maximum, soit jusqu’à fin octobre.
Plus tôt dans la journée, la télévision nationale a arrêté ses programmes pour diffuser des versets du Coran et annoncer le décès du président qui avait été élu fin 2014, trois ans après la révolution qui chassa du pouvoir le président Zine el Abidine ben Ali.
Béji Caïd Essebsi est mort à quelques mois de la fin de son mandat en décembre, alors qu’un scrutin législatif est prévu le 6 octobre et une présidentielle le 17 novembre.
Mais l’Instance supérieure indépendante des élections a déclaré que la date de la présidentielle serait avancée « afin de respecter le calendrier prévu par la Constitution ». « La date la plus probable pour la présidentielle anticipée est le 15 septembre, mais ce n’est pas une date définitive », a-t-elle ajouté.
De nombreux hommages ont afflué. Le président français Emmanuel Macron a rendu hommage à un « dirigeant courageux ». Le patron de l’ONU Antonio Guterres a salué son rôle « déterminant pour mener le pays avec succès vers la démocratie » et la chef de la diplomatie européenne Federica Mogherini a déploré la perte d’un des dirigeants tunisiens « les plus compétents et persévérants (…) ». Berlin, Rome, Rabat et plusieurs monarchies du Golfe lui ont également rendu hommage. L’Algérie a décrété un deuil de trois jours.
Enterrement samedi
La dépouille du président doit être transportée de l’hôpital militaire vers la présidence vendredi matin. L’enterrement est prévu samedi, a indiqué le Premier ministre Youssef Chahed qui a décrété un deuil national de sept jours.
« Il y aura des funérailles nationales et un nombre important de présidents seront présents », a dit M. Chahed, sans autre précision. Il s’est félicité de « la transition pacifique du pouvoir (…) ».
« Qu’il repose en paix, c’est tout ! », a lancé Ahmed, un chômeur. « Ceux qui l’ont précédé ont fait du mal au pays ! Béji c’est quelqu’un de bien ».
« Paix à son âme ! Il a stabilisé le pays », a renchéri Hamda, un serveur quinquagénaire, alors que Béji Caïd Essebsi était arrivé au pouvoir dans un pays profondément polarisé après une importante crise politique.
Le chef de file du mouvement islamiste Ennahdha Rached Ghannouchi, a rendu hommage à « un dictionnaire de la sagesse », ajoutant que le pays « est entre de bonnes mains ».
Vétéran de la politique, Béji Caïd Essebsi était le plus vieux chef d’Etat au monde en exercice après la reine Elizabeth II d’Angleterre. Il a servi aussi bien sous Habib Bourguiba, premier président de la Tunisie, que sous Ben Ali, avant d’accéder lui-même à la présidence avec la mission paradoxale de consolider la jeune démocratie.
La Tunisie est le seul des pays arabes touchés par les contestations à poursuivre sur la voie de la démocratisation malgré les soubresauts politiques, la morosité économique et des attaques jihadistes.
« L’Etat fonctionne »
Béji Caïd Essebsi est décédé le jour où la Tunisie célébrait la proclamation de la République en 1957.
Il avait été hospitalisé fin juin, le jour où deux attentats suicide avaient tué un policier et un civil à Tunis. Son hospitalisation avait déclenché d’intenses tractations au Parlement et une vague d’inquiétude sur la fragilité des institutions tunisiennes. Mais de nombreux débats sur la transition ces dernières semaines ont calmé les esprits.
Toute la classe politique doit assumer sa « responsabilité », ont clamé des représentants de la société civile, soulignant l’importance de respecter le calendrier prévu par la Constitution.
« L’Etat continue à fonctionner », a assuré à la télévision nationale M. Ennaceur, victime fin juin d’un malaise qui avait alors soulevé des inquiétudes sur son état de santé et sa capacité à remplacer Béji Caïd Essebsi en cas de vacance du pouvoir.
Huit ans après la révolution et malgré une reprise fragile de la croissance après des années de marasme, la Tunisie peine à répondre aux attentes sociales et à faire baisser un chômage persistant à 15 %.
Après des sanglantes attaques revendiquées par le groupe jihadiste Etat islamique (EI) en 2015, la sécurité s’est améliorée mais des attaques ponctuelles continuent de se produire.
AFP