« Malheureusement, de nouveaux cas de viols, dont des viols collectifs, continuent d’être signalés dans la région d’Unité depuis le début de l’année », a déclaré Michelle Bachelet, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme.
Parmi ces survivantes relevées dans ce document, certaines n’avaient que 8 ans au moment des faits. Tout porte à croire que le réel niveau de violence sexuelle est considérablement plus élevé que le nombre de cas enregistrés.
Le rapport conjoint du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) et de la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS) souligne que même si les attaques contre les civils ont beaucoup diminué depuis la signature de l’accord de paix le 12 septembre 2018, la violence sexuelle endémique liée au conflit se poursuit dans la région d’Unité.
Près de 90% des femmes et des filles ont été violées par plusieurs agresseurs et souvent pendant plusieurs heures. Des femmes enceintes et des mères allaitantes ont également été victimes de violences sexuelles.
Lors d’un incident survenu le 17 décembre dans le village de Lang, dans le comté de Rubkona, cinq femmes ont été victimes d’un viol collectif. Parmi ces femmes, quatre étaient enceintes, dont une de presque neuf mois.
La plupart des groupes armés de la région d’Unité impliqués dans ces crimes sexuels
La plupart de ces attaques ont été perpétrées par de jeunes miliciens et des membres de l’Armée populaire de libération du Soudan dans l’opposition pro-Taban Deng (SPLA-IO (TD)), ainsi que par des membres des Forces de défense populaires du Soudan du Sud (SSPDF).
Dans quelques cas, les attaques ont été menées par des membres de l’Armée populaire de libération du Soudan dans l’opposition pro-Riek Machar (SPLA-IO (RM).
Le document note que les violences sexuelles ont été commises dans un contexte d’« impunité généralisée, qui a contribué à la normalisation de la violence contre les femmes et les filles ».
« L’instabilité de la situation dans le Soudan du Sud, conjuguée à l’absence de responsabilisation envers les violations et les abus commis dans toute la région d’Unité, conduisent probablement les acteurs armés à croire qu’ils peuvent violer et commettre d’autres formes horribles de violences de sexuelles en toute impunité », a d’ailleurs admis Mme Bachelet.
L’enquête a révélé que de multiples facteurs ont conduit à la recrudescence de la violence sexuelle dans cette région,notamment le nombre important de combattants attendant la mise en œuvre des mesures de sécurité prévues dans le cadre de l’accord de paix ; la présence de nombreux jeunes miliciens armés ; et un manque de responsabilisation envers de précédents cas de violences sexuelles au niveau individuel et au niveau du commandement.
Le document soutient que le caractère impitoyable de ces attaques semble être une constante dans les cas de violences sexuelles enregistrés. Le rapport indique notamment que les auteurs ont agi avec un certain degré de préméditation.
Sentiment de résignation et tendance à la normalisation du risque d’agression sexuelle
Une survivante a raconté comment elle et ses amies ont été violées à trois reprises. À chaque attaque, le nombre d’agresseurs a considérablement augmenté. Ce qui conduit à « un sentiment de résignation chez les survivantes et une tendance à la normalisation du risque d’agression sexuelle ».
« Nous les femmes, nous n’avons pas le choix », a déclaré une survivante de 30 ans du comté de Koch, citée dans ce communiqué de presse.
« Nous n’avons pas d’autre alternative. Si on passe par la route, on se fait violer. Si on passe par la brousse, on se fait violer. J’ai été violée avec d’autres femmes au même endroit à trois reprises. On avait choisi de ne pas prendre la route car on avait entendu des histoires horribles de femmes et de filles enlevées et violées, mais il nous est arrivé la même chose. Il n’y a pas d’échappatoire, on nous viole toutes ».
Face à ce sombre tableau décrit dans ce rapport, la cheffe des droits de l’homme de l’ONU exhorte le gouvernement sud-soudanais « à prendre les mesures adéquates – y compris celles prévues dans l’accord de paix – pour protéger les femmes et les filles, à mener rapidement des enquêtes approfondies sur toutes les allégations de violence sexuelle et à demander des comptes aux auteurs de ces actes dans le cadre de procès équitables ».
Par ailleurs dès la réception des premiers rapports faisant état d’une augmentation des cas de violence sexuelle, la MINUSS a multiplié les patrouilles de maintien de la paix et débroussaillé les routes pour empêcher les agresseurs de dissimuler leur présence.
La Mission onusienne a également mis en place un tribunal mobile dans des zones sensibles, comme Bentiu et Malakal, pour aider à lutter contre l’impunité, et prévoit de collaborer avec les autorités judiciaires locales pour aider ces tribunaux mobiles à poursuivre les auteurs de ces violences dans tout le pays.