Le Soudan se prépare mercredi à l’annonce de la composition du nouveau gouvernement appelé à redresser une économie exsangue et à mettre fin aux conflits internes, après des mois d’une contestation inédite qui a fait tomber le président Omar el-Béchir.
Investi le 21 août, le Premier ministre Abdallah Hamdok doit nommer les membres de son cabinet, parmi les noms proposés par les Forces pour la liberté et le changement (FLC), fer de lance du mouvement de contestation.
« J’ai reçu mardi les noms des candidats proposés par les FLC », a indiqué M. Hamdok en précisant avoir 49 propositions pour 14 ministères. Il a ajouté qu’il s’attacherait à « une représentation juste des femmes ».
Selon un calendrier convenu entre les parties à l’accord historique signé le 17 août sur la transition au Soudan après trois décennies de pouvoir militaire, la composition du gouvernement doit être annoncée mercredi.
Celle-ci interviendra une semaine après l’intronisation du Conseil souverain, une instance à majorité civile et dirigée par un militaire qui doit mener pendant un peu plus de trois ans cette transition vers un pouvoir civil.
Samedi, M. Hamdok a dit qu’il choisirait des technocrates en fonction de leurs « compétences ». « Nous voulons une équipe homogène à la hauteur des défis ».
Le gouvernement doit être composé au maximum de 20 membres, choisis par M. Hamdok à l’exception des ministres de l’Intérieur et de la Défense, qui seront nommés par les militaires siégeant au Conseil souverain.
La première réunion gouvernement-Conseil est prévue le 1er septembre.
« Paix durable »
« Le gouvernement à venir jouira d’un soutien populaire massif », a affirmé Othman Mirghani, analyste soudanais et rédacteur en chef du quotidien indépendant Al-Tayyar.
Selon lui, le gouvernement devra se focaliser sur la conclusion d’accords de paix avec les groupes rebelles dans les régions du pays en conflit, notamment ceux qui ont rejeté l’accord de transition.
Conclu par les FLC et le Conseil militaire qui avait succédé à M. Béchir destitué et arrêté par l’armée le 11 avril, cet accord trace les grandes lignes de la transition et mentionne la nécessité de faire la paix avec les rebelles dans les six mois.
M. Hamdok a promis « d’arrêter la guerre et de construire une paix durable ».
Plusieurs groupes rebelles des Etats marginalisés, y compris le Darfour, le Nil Bleu et le Kordofan-sud, ont combattu les forces d’Omar el-Béchir pendant des années.
Des centaines de milliers de personnes ont été tuées dans les trois conflits et des millions déplacés. Des centaines de milliers vivent toujours dans des camps.
Si le conflit au Darfour a baissé en intensité depuis son début en 2003, des rebelles sont restés actifs dans d’autres régions.
Optimisme prudent
L’autre défi du gouvernement sera de relever l’économie qui s’est écroulée après la sécession du Sud en 2011, le Soudan ayant été privé des trois quarts de ses réserves de pétrole.
Deux décennies de sanctions américaines pour violations des droits humains, levées en 2017, ont aggravé la situation et le pays fait face à une inflation galopante, des pénuries chroniques de biens de première nécessité et un manque criant de devises étrangères.
La détresse économique des Soudanais a été la cause principale du déclenchement des manifestations en décembre 2018, après la décision du gouvernement de tripler le prix du pain.
Les manifestations s’étaient transformées rapidement en contestation du général Béchir. Durant les près de huit mois de manifestations, plus de 250 personnes ont péri dans la répression selon un comité de médecins proche de la contestation.
Les investissements étrangers sont en outre restés faibles en raison du maintien du Soudan sur la liste noire américaine des « Etats soutenant le terrorisme » mais selon M. Hamdok, des discussions sont en cours avec des responsables américains pour y remédier.
Des Soudanais attendent toutefois le nouveau gouvernement avec un optimisme prudent.
« Je suis plus optimiste depuis que le Premier ministre a dit qu’il choisirait ses ministres selon leur compétence », affirme Mohamed Amin, employé d’une entreprise privée de 32 ans. Ils seront vraiment « mis à l’épreuve quand ils s’attaqueront aux défis ».
Pour Mohamed Babiker, un fermier de 65 ans, la remise sur pied de l’économie dépendra de la capacité du gouvernement à tirer profit des ressources du pays, notamment l’agriculture.
« S’il y arrive, ça fera beaucoup pour la stabilité du pays ».
AFP