« Merci les Springboks »: sous les vivats d’une foule extatique, les champions du monde de rugby se sont arrêtés jeudi à Soweto, étape de leur tournée à travers l’Afrique du Sud, où la victoire de l’équipe nationale est accueillie comme un symbole.
Agitant des drapeaux aux couleurs du pays, soufflant dans des vuvuzelas ou tranquillement installés sur le toit de voitures une bière à la main, des milliers de supporters se sont agglutinés au bord des rues du township, berceau de la lutte contre l’apartheid, pour saluer les nouveaux héros nationaux.
« C’est le moment où tout le monde oublie qu’il est blanc ou noir », lance à l’AFP Vincent Mokgako, 65 ans, assis devant la maison de Nelson Mandela aujourd’hui transformée en musée.
Du temps de l’apartheid, les Springboks auraient reçu un accueil « hostile » dans le coin, rappelle l’enfant du quartier aujourd’hui travailleur social. « C’est l’héritage que Mandela a laissé, le sport rassemble toujours les gens ».
Longtemps, les sélectionneurs de l’équipe n’ont choisi que des joueurs blancs, les athlètes noirs et métis étaient cantonnés à des ligues distinctes.Il a fallu que le régime blanc prenne fin et que Nelson Mandela adoube les Springboks en 1995, année de leur premier titre mondial, pour que le régime de séparation quitte aussi le sport.
– « Plus forts ensemble » –
Il y a encore peu, les Springboks « n’intéressaient personne ici », souligne Lindiwe Mkhize, 43 ans.À Soweto, siège de deux grands clubs de foot sud-africains – Kaizer Chiefs et Orlando Pirates – le ballon rond est historiquement roi.
Aujourd’hui, le rugby est l’un des sports les plus populaires et offre régulièrement des trophées. L’Afrique du Sud a remporté son quatrième titre mondial le week-end dernier à Saint-Denis, près de Paris, en finale face à la Nouvelle-Zélande (12-11).
Et à Soweto, la foule a applaudi à tout rompre au passage éclair des joueurs, portant des t-shirts avec l’inscription « Plus forts ensemble », à bord d’un bus à toit ouvert jaune et vert, couleurs de l’équipe.Des écoliers encore en uniforme ont dansé avec une joie évidente.
Siya Kolisi a brandi la coupe dorée: « Nous sommes d’origines très diverses, comme vous.Et nous voulions montrer que la diversité est notre force », a souligné le premier capitaine noir de l’équipe lors d’une rencontre avec le président Cyril Ramaphosa à Pretoria dans la matinée.
« Vous avez remonté le moral de toute une nation et vous nous avez remplis de fierté.Vous avez uni le peuple sud-africain », a félicité le chef d’État, qui a décrété cette semaine un jour férié en décembre pour marquer la victoire.
« Les Springboks nous font oublier pour un temps qu’ici beaucoup de gens encore vivent dans la pauvreté ou meurent de faim », lâche Vincent Mokgako, en référence au chômage endémique et aux inégalités toujours plus criantes dans le pays au climat économique et social morose.
Les Springboks se rendent vendredi dans la ville du Cap, puis à Durban (est) samedi et East London (sud-est) dimanche.
AFP