Des violences intercommunautaires, qui ont fait des blessés, se déroulent depuis vendredi à Bongouanou (200 km au nord d’Abidjan), fief du candidat à la présidentielle Pascal Affi N’Guessan, ex-Premier ministre de Laurent Gbagbo, dont la maison a été incendiée, a-t-on appris samedi auprès de plusieurs habitants.
Ces violences surviennent alors que l’opposition, dont fait partie M. N’Guessan, a lancé jeudi un mot d’ordre de « boycott actif » du « processus électoral » et notamment demandé à ses militants d' »empêcher la tenue de toute opération liée au scrutin » présidentiel du 31 octobre.
L’opposition demande notamment une réforme de la commission électorale et du conseil constitutionnel, qu’elle accuse d’être inféodés au pouvoir et d’avoir validé la candidature du président Alassane Ouattara à un troisième mandat controversé.Le Premier ministre ivoirien Hamed Bakayoko a appelé l’opposition à retirer son mot d’ordre:
« Je les invite à cesser et à retirer les mots d’ordre qui se traduisent par des actes de violence ». »Nous serons d’une fermeté implacable: si vous êtes responsables de violences sur des personnes, sur des biens publics ou privés, vous assumerez tôt ou tard, il y aura des procès », a-t-il ajouté.
A Bongounaou, les habitants du quartier Agnikro (ethnie locale agni, majoritairement pro-opposition) et ceux de Dioulabougou (quartier d’ethnie dioula du Nord, majoritairement pro-Ouattara) s’affrontent à coups « de gourdins et de machettes », selon des témoignages concordants. Des maisons et des magasins ont été incendiés.
« La situation est intenable… Nous avons beaucoup de blessés transportés à l’hôpital », a affirmé Mathieu, un habitant.Tenus par des jeunes, de nombreux barrages composées d’arbres coupées, de vieux pneus et de bidons étaient placés sur les routes menant à la ville, a constaté un journaliste de l’AFP.
Dans une ambiance tendue, les jeunes, dont certains très alcoolisés, laissaient passer des ambulances et des habitants mais aucun autre véhicule.A Ehuikro (1,5 km de Bongouanou), un de leurs chefs a confié à l’AFP, sous couvert de l’anonymat:
« Après le mot d’ordre (de l’opposition), on a placé des barrages sur la route pour protester contre le troisième mandat. Les Dioulas veulent le troisième mandat et ils sont descendus sur Agnikro. Ils ont +machetté+ (donné des coups de machette) des Agni. Ils ont brûlé le lycée et la maison d’Affi ».
« On a répliqué. On a brûlé leurs magasins. Des renforts de police sont arrivés », a-t-il ajouté.L’AFP n’a pu vérifier la séquence exacte des événements et n’a pu se rendre dans la ville. »Il y a eu des blessés hier (vendredi). Aujourd’hui, on n’a pas encore de bilan. Ils ont incendié ma maison », a expliqué M. Affi N’Guessan à l’AFP.
« Les personnes (qui ont incendié ma maison) ont été convoyées depuis Abidjan. Sont visés les biens des responsables de l’opposition ». »La situation est tendue. Mon domicile privé a été incendié… Le collège privé IEGT à été brûlé », a témoigné le député maire de Bongouanou, Gilbert Amalaman, un proche de M. Affi N’Guessan.
Des violences intercommunautaires ont fait une quinzaine de morts en août et en septembre dans plusieurs villes du pays dans le sillage de l’annonce de la candidature du président Alassane Ouattara et après le rejet par le Conseil constitutionnel de 40 candidatures, dont celles de l’ex-chef rebelle et ancien Premier ministre Guillaume Soro et de l’ancien président Laurent Gbagbo.
Outre M. Ouattara et Affi N’Guessan, l’ancien président Henri Konan Bédié et l’ancien député Kouadio Konan Bertin sont en lice.Elu en 2010, réélu en 2015, M. Ouattara avait annoncé en mars renoncer à briguer un troisième mandat, avant de changer d’avis en août après le décès de son dauphin désigné, le Premier ministre Amadou Gon Coulibaly.
La loi ivoirienne prévoit un maximum de deux mandats mais le Conseil constitutionnel a estimé qu’avec la nouvelle Constitution de 2016, le compteur des mandats de M. Ouattara a été remis à zéro, ce que conteste farouchement l’opposition.
La crainte de violences électorales est forte en Côte d’Ivoire, dix ans après la crise poste électorale de 2010-2011 qui avait fait 3.000 morts, après le refus du président Laurent Gbagbo de reconnaître sa défaite électorale face à Alassane Ouattara.
AFP