L’État ougandais refuse de se conformer à une décision judiciaire ordonnant la libération d’un célèbre écrivain Kakwenza Rukirabashaija, accusé d’avoir insulté le fils du président Museveni, ont indiqué vendredi le Parquet et l’avocat de l’auteur.
Arrêté le 28 décembre à son domicile de Kampala, Kakwenza Rukirabashaija, 33 ans devait initialement être présenté mardi à un tribunal pour des propos « offensants » envers le fils du président ougandais Yoweri Museveni, Muhoozi Kainerugaba, un général que beaucoup voient comme le dauphin désigné de son père âgé de 77 ans.
Mais le même jour, une magistrate, saisie d’une demande de libération déposée l’avocat de M. Rukirabashaija, a ordonné que l’écrivain soit « inconditionnellement » libéré, ajoutant: « tout policier doit se soumettre à cet ordre ». « L’État n’est pas satisfait de la décision » de la juge ordonnant de remettre en liberté M. Rukirabashaija, a déclaré à l’AFP Christine Kaahwa, une responsable du Parquet.
« Le procureur général a formellement demandé » à la magistrate « de nous fournir de manière urgente une copie certifiée conforme de la procédure et de la décision afin de nous permettre de prendre les mesures appropriées », a-t-elle ajouté, sans préciser la nature des mesures en question.
L’avocat de M. Rukirabashaija, Eron Kiiza, a indiqué à l’AFP s’être vu notifier la procédure engagée par l’État ougandais pour empêcher la libération de son client, dont le roman satirique « The Greedy Barbarian » (non traduit en français), décrivant un pays imaginaire gangréné par la corruption, a été salué en 2020 par la critique. « Mais nous insistons sur le fait que la police doit se conformer à la décision de la Cour de libérer notre client, détenu illégalement depuis un long moment », a-t-il souligné.
M. Rukirabashaija encourt jusqu’à un an de prison s’il est déclaré coupable. Pourfendeur affiché du pouvoir ougandais et du président Museveni, M. Rukirabashaija a ces derniers temps intensifié ses critiques contre le fils du chef de l’État, le qualifiant d' »obèse » et de « rouspéteur » dans de récentes publications sur les médias sociaux.
L’épouse de l’écrivain, Eva Basiima, a également indiqué avoir porté plainte contre la police et l’unité spéciale chargée de la protection du chef de l’État et de sa famille pour la « détention illégale » de son mari. Elle a indiqué l’avoir vu pour la dernière fois lundi, en compagnie de membres des forces de sécurité en civil et armés, venus perquisitionner leur maison de campagne à Iganga, à environ 110 kilomètres à l’est de la capitale.
« Il semblait avoir été torturé, il boitait, ne s’était pas lavé et (…) portait des traces de sang », a-t-elle affirmé. « Il était en mauvais état et nous n’avons pu lui rendre visite depuis son arrestation et les forces de sécurité ont entravé nos efforts pour savoir où il se trouve ».
AFP