L’ONG Human Rights Watch (HRW) a demandé vendredi aux autorités ougandaises d’abandonner les charges retenues contre l’écrivain Kakwenza Rukirabashaija, accusé d’insultes envers le président et son fils, et d’enquêter sur les accusations de torture durant sa détention.
Selon HRW, les poursuites contre Kakwenza Rukirabashaija illustrent la répression menée, au nom de la « Loi sur l’utilisation abusive des ordinateurs », contre les personnes critiquant le gouvernement dans ce pays d’Afrique de l’Est.
L’écrivain de 33 ans a été arrêté le 28 décembre, puis inculpé de « communication offensante » envers le président Yoweri Museveni et son fils, le général Muhoozi Kainerugaba, dans une série de tweets. Libéré sous caution le 26 janvier, il a fui clandestinement le pays mercredi pour, dit-il, suivre un traitement médical après avoir été torturé durant sa détention. Son procès devait débuter le 23 mars.
« Les autorités doivent abandonner sans condition toutes les charges retenues contre l’auteur et veiller à ce que tous les reponsables de sécurité impliqués dans sa torture et sa disparition forcée soient tenus responsables », écrit HRW dans un communiqué. Kakwenza Rukirabashaija affirme avoir été torturé.
Lors d’une interview à la télévision ougandaise ce week-end, il a montré son dos strié de nombreuses cicatrices, ainsi que d’autres marques sur plusieurs autres parties de son corps. Selon HRW, l’auteur a déclaré que des officiers militaires l’ont battu, forcé à danser pendant des heures, utilisé des pinces sur son corps et lui ont injecté à plusieurs reprises une substance inconnue.
« Au lieu de poursuivre leurs détracteurs pour des tweets, les autorités ougandaises devraient enquêter sur cette affaire et sur de nombreuses autres allégations graves de torture par les services de sécurité de l’État ces dernières années », déclare Oryem Nyeko, chercheur à HRW, dans le communiqué.
Ces dernières années ont été marquées en Ouganda par une répression contre des journalistes, des incarcérations d’avocats ou le musellement de dirigeants de l’opposition. De nombreux activistes ont été poursuivis au nom de la « Loi l’utilisation abusive des ordinateurs » de 2011, qui prévoit de lourdes sanctions, y compris des peines de prison.
L’activiste et écrivaine Stella Nyanzi, qui s’est exilée en Allemagne cette année, a été emprisonnée en 2019 en vertu de cette loi après avoir publié un poème critiquant le président Yoweri Museveni, au pouvoir depuis 1986.
Pourfendeur affiché du pouvoir, Kakwenza Rukirabashaija a publié en 2020 « The Greedy Barbarian » (non traduit en français), roman satirique salué par la critique qui décrit un pays imaginaire gangréné par la corruption. Il a reçu en 2021 le Prix PEN Pinter, attribué à un auteur persécuté pour avoir exprimé ses convictions. Arrêté à plusieurs reprises, il affirme avoir été torturé lors d’interrogatoires au sujet de son ouvrage.
AFP