Plusieurs milliers de personnes se sont rassemblées lundi pour protester contre la suspension du processus électoral dans l’Etat de Rivers, dans le sud du Nigeria, à la suite de violences et d’irrégularités.
Le Nigeria a voté samedi pour élire les gouverneurs et les représentants des assemblées locales dans 29 des 36 Etats de la fédération nigériane.
Mais la Commission électorale nationale indépendante (INEC) a suspendu le dépouillement dans Rivers dimanche, faisant état de violences dans les bureaux de vote, d’enlèvements de personnel ou encore de confiscation et de destruction de résultats.
Les partisans du Congrès des progressistes (APC, au pouvoir) se sont réunis à Port Harcourt, la capitale de l’État, pour demander que les résultats soient publiés.
« Nous ne sommes pas heureux que ce processus ait été interrompu à mi-parcours », a déclaré à l’AFP Victoria Nyeche, organisatrice de la manifestation et membre du parlement de l’Etat de Rivers. « Ce que l’INEC a fait est illégal et constitue une invitation à la crise ».
« S’il y a recours, le tribunal électoral est là pour les résoudre », a-t-elle ajouté.
L’atmosphère était tendue, avec des soldats postés à des checkpoints dans toute la ville, ont constaté des journalistes de l’AFP sur place.
L’APC du président Muhammadu Buhari n’avait aucun candidat au poste de gouverneur à la suite d’un litige pendant ses primaires pour l’Etat de Rivers, mais il soutenait le candidat d’un petit parti.
Les manifestants scandaient des slogans hostiles au gouverneur sortant, Nyesom Wike, du principal parti d’opposition, le Parti démocratique du peuple (PDP).
Le PDP a de son côté qualifié la suspension du vote d' »agression déguisée (…) s’apparentant à un coup d’État ».
« L’armée, la police et l’INEC travaillent avec l’APC pour subvertir la volonté du peuple de Rivers », a également accusé le gouverneur Wike.
La décision de l’INEC est intervenue après l’irruption dimanche en milieu de journée de l’armée à son siège régional où étaient centralisés tous les résultats des législatives et des gouvernatoriales pour l’Etat de Rivers.
L’armée a toutefois nié dimanche sa responsabilité, assurant que des voyous à la solde de politiciens avaient usurpé des uniformes et des équipements militaires – dont des véhicules blindés – pour la discréditer.
– « Défaillances systémiques » –
Situation Room, un groupe de plus de 70 organisations de la société civile, a réclamé dimanche une enquête indépendante sur l’ensemble du processus électoral et a recensé au total 58 morts depuis fin février.
M. Buhari a été réélu fin février à la tête du géant ouest-africain avec 56% des voix à l’issue d’un scrutin marqué par un faible taux de participation (35%). Son principal rival Atiku Abubakar (PDP) a annoncé qu’il contesterait les résultats en justice, dénonçant des tricheries.
L’APC, qui contrôlait jusque-là 22 des 36 Etats de la fédération espère conforter sa mainmise territoriale avec les élections des gouverneurs et des représetants des assemblées locales.
Les observateurs de l’Union européenne ont souligné lundi la forte abstention et les violences qui ont marqué les deux scrutins.
L’observatrice en chef de la mission de l’UE, Maria Arena, s’est dit « profondément troublée » par les violences, affirmant que certains observateurs s’étaient retrouvés bloqués dans des centres de collecte de résultats, apparemment par des soldats.
« À Rivers, il ne fait aucun doute que le processus électoral (…) a été sérieusement compromis », a-t-elle ajouté au cours d’une conférence de presse.
« Les défaillances systémiques et les problèmes sécuritaires » indiquent qu’il existe « un réel besoin de réformes » électorales au Nigeria, a conclut la cheffe de mission.
L’International Republican Institute(IRI) et le National Democratic Institute, deux ONG américaines ayant également déployé des observateurs, ont estimé dans un communiqué conjoint que « la forte présence militaire, les achats de voix dans certains endroits, ainsi que des irrégularités dans le processus de dépouillement et de compilation des votes ont porté atteinte à l’intégrité des élections ».