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6 ans agoon
Zainab Yusuf se présente aux législatives dans une circonscription de l’Etat de Kaduna, dans le nord-est du Nigeria, sa région natale, et, à l’âge de 29 ans, sera l’une des plus jeunes candidates des élections de ce weekend dans le pays le plus peuplé d’Afrique.
« C’est très difficile », confie-t-elle à l’AFP. « Mais on se bat pour faire les choses bien. Les gens peuvent voir d’eux-mêmes que l’on fait campagne pour améliorer leur quotidien. »
Il existe officiellement 91 partis politiques au Nigeria. Mais en réalité, seuls deux écrasent tous les autres: le Parti populaire démocratique (PDP, opposition) et le Congrès des progressistes (APC), au pouvoir depuis 2015.
Ils représentent la quasi-totalité des sièges dans les deux chambres de l’Assemblée nationale et, comme beaucoup d’élus passent de l’un à l’autre des partis, en fonction des alliances et des opportunités électorales, le grand public estime qu’il s’agit de la même élite politique .
Avec ses 190 millions d’habitants et l’âge moyen de sa population situé à 18 ans, le Nigeria a l’une des populations les plus jeunes au monde et pourtant le pays est toujours dirigé par la vieille garde politicienne.
Les deux candidats à la présidentielle en sont le meilleur exemple: le président sortant, Muhammadu Buhari, a 76 ans et son adversaire, Atiku Abubakar a récemment fêté ses 72 ans.
Mais Zainab Yusuf et son parti du Mouvement national de sauvetage (National Rescue Movement, NRM), veut croire qu’il y a une place pour une nouvelle génération de représentants.
Lorsque la jeune candidate de Kaduna s’est engagée en politique, elle l’a d’abord fait au sein de l’APC, le parti au pouvoir dans son Etat.
Mais pour participer aux primaires des législatives, les candidats devaient payer 3 millions de nairas (7.400 euros), une somme inabordable pour qui n’est pas de la classe supérieure.
– Anti-démocratiques –
Changer le Nigeria, selon elle, ne passera pas par les partis politiques historiques, trop sclérosés et anti-démocratiques.
Dans le sud-ouest du pays, dans l’Etat d’Ogun, un candidat malheureux aux primaires a accusé le gouverneur d’avoir ses listes prêtes bien avant que ne se déroule le vote.
« Je pensais participer à des primaires libres et transparentes mais je me trompais », dénonce-t-il sous couvert d’anonymat.
Pour Nana Nwachukwu, avocate et activiste, ce bloquage des partis s’est intensifié avec l’abaissement de l’âge limite de 35 à 30 ans pour les législatives.
« Les conséquences ce sont que les jeunes candidats ont été harcelés, intimidés » pour qu’ils se retirent au profit « du vieux gang au pouvoir », explique-t-elle.
– Coquilles vides –
Beaucoup de candidats font face à des menaces, les forçant à s’engager dans des partis mineurs, où il y a très peu de ressources financières et où il est facile « d’acheter » les convictions de chacun.
Donald Duke (ancien gouverneur) et Oby Ezekwesili (ancienne ministre de l’Education), deux candidats mineurs à la présidentielle mais qui conservent une place confortable sur la scène politique du pays, ont été lâchés par leur parti à quelques semaines du scrutin.
Ses membres ont finalement décidé de se rallier au parti au pouvoir, laissant les candidats à la tête d’une coquille vide.
A l’échelle locale, les politiciens ont leurs « petites mains », des groupes de jeunes criminels pour faire le sale boulot.
« Ils ont cassé le pare-brise de ma voiture, vandalisé mon bureau, cassé mon matériel, franchement, c’est pas facile », témoigne Zainab Yusuf.
Les jeunes, pour beaucoup au chômage et facilement manipulables, attendent les périodes électorales pour se faire de l’argent.
Sans surprise, et comme partout, c’est l’argent qui contrôle et dicte la scène politique au Nigeria. Mais dans un pays gangréné par la corruption, ce lieu commun prend encore plus de sens.
– Millions de dollars –
Les campagnes électorales drainent des dizaines de millions de dollars en « cadeaux » pour ses soutiens, en nourriture distribuée aux supporters lors des meetings, ou en posters qui apparaissent par centaines sur tous les axes des villes.
A titre indicatif le candidat malheureux à la primaire des législatives de l’Etat d’Ogun avait déjà dépensé 40 millions de nairas (près de 100.000 euros) pour sa campagne ratée.
Au Nigeria, où tout, absolument tout se monnaye, il faut même payer les médias locaux pour espérer une place dans les journaux ou un temps de radio.
Il faut payer également ses propres observateurs dans les bureaux de vote pour être sur que les votes se déroulent dans des conditions équitables. Et, très souvent, payer l’électeur en échange de son bulletin.
La jeune Zainab Yusuf espère qu’elle arrivera à conquérir les coeurs des électeurs autrement. « Les grands partis dépensent des millions mais nous, nous voulons rester proches des préoccupations des gens ».
Malheureusement, au Nigeria, où 87 millions de personnes vivent sous le seuil de l’extrême pauvreté, la principale préoccupation pour l’immense majorité reste de pouvoir se nourrir.
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