Le président sénégalais Macky Sall, également dirigeant en exercice de l’Union africaine, sera reçu vendredi en Russie par Vladimir Poutine sur fond de crainte de crise alimentaire mondiale du fait de l’offensive russe en Ukraine.
Cette visite « s’inscrit dans le cadre des efforts que mène la présidence en exercice de l’Union pour contribuer à l’accalmie dans la guerre en Ukraine, et à la libération des stocks de céréales et de fertilisants dont le blocage affecte particulièrement les pays africains », ont précisé les services de Macky Sall. M. Sall sera accompagné du président de la Commission de l’Union africaine, le Tchadien Moussa Faki Mahamat.
La rencontre aura lieu à Sotchi (sud). Dans un communiqué, le Kremlin a indiqué que la discussion portera sur « l’engagement de la Russie auprès de l’Union africaine, notamment l’élargissement du dialogue politique et de la coopération économique et humanitaire », ainsi qu’un « échange de point de vue sur l’agenda international actuel ».
L’offensive de la Russie contre l’Ukraine — qui assurent notamment à elles deux 30% des exportations mondiales de blé — a conduit à une flambée des cours des céréales et des huiles, dont les prix ont dépassé ceux des printemps arabes de 2011 et des émeutes de la faim de 2008. L’ONU craint « un ouragan de famines », essentiellement dans des pays africains qui importaient plus de la moitié de leur blé d’Ukraine ou de Russie.
Le programme de l’ONU pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) redoute que huit à 13 millions de personnes supplémentaires souffrent de sous-nutrition dans le monde si la crise dure. Or les voyants sont au rouge, plus aucun navire ne sortant d’Ukraine, qui était aussi le quatrième exportateur de maïs, en passe de devenir le troisième exportateur mondial de blé, et assurait seule 50% du commerce mondial de graines et d’huile de tournesol avant le conflit.
Dans un message adressé mardi aux dirigeants des pays européens, M. Sall avait demandé de tout faire « pour libérer les stocks de céréales disponibles » en Ukraine. Il avait évoqué « le scénario catastrophique de pénuries et de hausses généralisées des prix », estimant que « le pire est peut-être devant nous ». Moscou affirme que le blocage n’est pas de sa faute, ni le résultat de la présence de sa flotte de guerre au large de l’Ukraine, mais qu’il est le résultat du minage des ports ukrainiens par Kiev.
En outre, les exportations russes de céréales sont largement bloquées à cause des sanctions logistiques et financières imposées par l’Occident pour punir la Russie pour le conflit en Ukraine. Le Kremlin a réclamé leur levée et le déminage des ports ukrainiens pour éviter une crise alimentaire mondiale. Un « chantage », selon Kiev.
Le Sénégal, aux relations fortes avec les pays occidentaux, avait surpris le 2 mars en s’abstenant lors d’un vote de l’Assemblée générale de l’ONU d’une résolution exigeant « que la Russie cesse immédiatement de recourir à la force contre l’Ukraine ». Dakar avait en revanche voté le 24 mars une seconde résolution réclamant à la Russie un arrêt immédiat de la guerre, mais près de la moitié des pays du continent s’étaient abstenus ou n’avaient pas voté lors de ces deux votes.
M. Sall avait expliqué au chancelier allemand Olaf Scholz à Dakar fin mai que le conflit « affecte » les Africains, mais se déroule « sur un autre continent ». Depuis 2019 et l’organisation d’un sommet Russie-Afrique à Sotchi, Moscou a accentué ses efforts auprès du continent africain et tente de s’y imposer comme un partenaire alternatif à la Chine ou aux Occidentaux, jouant notamment sur son absence de passé colonial.
AFP