L’organe législatif mis en place par la junte en Guinée a fixé mercredi à trois ans la durée de la transition avant le retour des civils au pouvoir, a contrario des Etats ouest-africains et de la communauté internationale qui réclament un délai moins long.
En septembre, après le putsch contre le président Alpha Condé qui était au pouvoir depuis plus de dix ans, la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) avait « insisté pour que la transition soit très courte », et que des élections soient organisées dans un délai ne dépassant pas « six mois ». La Cédéao a suspendu la Guinée après le putsch du 5 septembre et lui a imposé des sanctions à la suite du refus, plusieurs fois réitéré, de la junte de se conformer à ses exigences.
Le délai de 36 mois adopté mercredi en séance plénière par le Conseil national de transition (CNT), qui fait office de Parlement, est revu très légèrement à la baisse par rapport à l’annonce faite le 30 avril par le chef de la junte militaire, le colonel Mamady Doumbouya, qui avait opté pour une transition de 39 mois. Le décompte pour le retour des civils au pouvoir commence « à partir de la promulgation de la loi » votée mercredi, a affirmé à l’AFP le porte-parole du gouvernement Ousmane Gaoual Diallo, sans indiquer la date de la validation du nouveau texte par le président de transition, M. Doumbouya.
Sur 81 membres du CNT, 73 ont voté le texte mercredi, selon un correspondant de l’AFP. Un membre du CNT était absent, trois se sont abstenus et quatre ont quitté la salle en signe de protestation Le chronogramme présenté par le Conseil national du rassemblement pour le développement (CNRD) – organe dirigeant de la junte, NDLR – a été « débattu et voté par une majorité des membres du CNT », a affirmé à l’AFP le rapporteur de la commission des lois de l’organe législatif, Jean Paul Kotembedouno. Les 36 mois sont « suffisants » pour préparer le pays à un retour à l’ordre constitutionnel, a-t-il ajouté.
– le Parlement de transition récusé – Réunie mercredi à Conakry, une coalition formée du RPG, le parti de l’ex-président Condé, et de formations de l’opposition sous le pouvoir de ce dernier, ont dénié au CNT la prérogative de fixer la durée de la transition, selon un communiqué. La charte de la transition « dispose que la durée de la transition est déterminée d’un commun accord entre le CNRD et les forces vives du pays.
Le CNT n’est nullement mentionné comme organe de validation de cet accord », affirment cette coalition de partis dans un communiqué publié mercredi, avant l’annonce de l’adoption par l’organe de transition de la durée de 36 mois. Ces partis « ne lui (le CNT) concèdent aucun droit de s’immiscer dans le processus de détermination de la durée de la transition et l’avertissent du danger de forfaiture », selon ce communiqué signé du G58 et du « RPG et de ses alliés » Ils appellent à « la mise en place d’un réel cadre de dialogue entre le CNRD et les forces vives ouvert » notamment à la Cédéao « pour décider sur une base consensuelle des conditions propices au retour à l’ordre constitutionnel ».
C’est la première depuis plusieurs années que le parti de M. Condé et son opposition pendant son pouvoir se mettent ensemble pour parler d’une même voix, ayant été rapprochés par les décisions de la junte. Le colonel Mamady Doumbouya s’est fait proclamer chef de l’Etat après avoir renversé le président Condé. Il s’est ensuite engagé à remettre le pouvoir à des civils élus.
Le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, avait déclaré le 1er mai souhaiter que la junte militaire en Guinée rende le pouvoir à des civils « dans les délais les plus brefs ». Comme la Guinée, le Mali et le Burkina Faso, deux autres pays de la région où les militaires ont pris le pouvoir, ont été suspendue des instances de la Cédéao.
AFP