Un expert indépendant des droits de l’homme de l’ONU a exhorté mercredi les autorités gambiennes à placer les victimes au centre de tout processus de justice transitionnelle et à mettre en place toutes les mesures nécessaires pour garantir que les crimes du passé ne se reproduisent pas ou ne restent pas impunis.
« J’exhorte le gouvernement à placer les victimes au centre du processus de justice transitionnelle et à fournir aux survivants une assistance médicale et psychosociale d’urgence », a déclaré Fabián Salvioli, Rapporteur spécial des Nations Unies sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation, en présentant un rapport préliminaire à l’issue d’une visite de sept jours dans le pays.
M. Salvioli s’est d’ailleurs félicité de la création d’une Commission vérité, réconciliation et réparations, d’une Commission de révision constitutionnelle et d’une Commission nationale des droits de l’homme, mais a déclaré que des mesures importantes dans plusieurs autres domaines étaient encore attendues.
« Il est essentiel de renforcer l’appareil judiciaire, de poursuivre les coupables, d’accorder des réparations complètes aux victimes, de réformer les institutions de l’État et de sécurité qui ont été façonnées par 22 années d’autoritarisme, et de reconnaître une mémoire historique collective », a dit le Rapporteur spécial.
La souffrance insurmontable des victimes du pouvoir de Yahya Jammeh
Depuis janvier, des dizaines d’auditions de victimes et d’anciens responsables du régime de Yahya Jammeh ont révélé l’ampleur des violations des droits de l’homme commises pendant les 22 années. Selon l’expert indépendant onusien, c’est la voie à suivre pour que Banjul ne voie « plus jamais les abus du passé ».
Il indique avoir entendu « des témoignages poignants de violations perpétrées dans le cadre de campagnes visant à réprimer la dissidence et à terroriser la population ».
Ce sont les signes d’une société véritablement réconciliée sur la voie de la guérison, de la paix et du développement – Fabián Salvioli, Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation
« Mais la plupart des histoires que nous avons entendues décrivent la souffrance insurmontable des victimes, qui sont aujourd’hui touchées par de graves problèmes de santé physique et mentale, la stigmatisation, la peur et la privation », a déclaré M. Salvioli.
Il pense que ces mesures sont essentielles pour rétablir la confiance dans l’État et ses institutions et rétablir la confiance entre tous les membres de la société.
« Ce sont les signes d’une société véritablement réconciliée sur la voie de la guérison, de la paix et du développement », a-t-il fait valoir.
La Commission vérité et réconciliation a été mise en place pour enquêter sur les années de pouvoir de Yahya Jammeh, officier de l’armée arrivé à la tête de la Gambie par un coup d’Etat en 1994 et dirigeant jusqu’en 2017.
Le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition s’est donc félicité des progrès déjà accomplis dans le processus de justice transitionnelle, qui a débuté en 2017 après 22 ans de régime autoritaire. Mais il a exhorté le gouvernement à mieux prendre en compte la question des réparations pour les victimes et des réformes institutionnelles.
L’Expert indépendant a visité d’anciens sites de torture dont la fameuse chambre de « Bambadinka
S’il reconnait la nécessité d’introduire progressivement certaines mesures de justice transitionnelle, il trouve toutefois qu’il est essentiel que le gouvernement donne un signal sans équivoque à la société de son engagement en faveur d’un processus de justice transitionnelle global et holistique. Un processus pour remédier aux violations passées, à prévenir leur répétition et à établir les bases d’une société démocratique forte et stable.
A noter qu’au cours de sa visite, M. Salvioli a rencontré des membres du gouvernement gambien, des représentants de la société civile, des victimes et des survivants, et a visité des sites où des actes de torture, des exécutions sommaires et des disparitions forcées auraient eu lieu, tels que les casernes de Yudum et Kanilai et l’ancien siège des services de renseignement, dont la fameuse chambre de torture « Bambadinka ».
Le Rapporteur spécial présentera l’année prochaine un rapport complet sur sa visite au Conseil des droits de l’homme.