Les forces de l’ordre en Sierra Leone ont fait usage d’un « recours excessif à la force » lors des émeutes meurtrières d’août 2022 sur lesquelles la lumière et la justice restent à faire, affirme Amnesty dans un rapport publié lundi.
L’ONG appelle à des « enquêtes impartiales et transparentes » sur ces évènements lors desquels six policiers et 27 civils ont été tués, selon un bilan officiel. Un « comité spécial » a été mis en place pour enquêter, mais à ce jour « aucune conclusion n’a été rendue publique ».
Les autorités avaient imposé un couvre-feu pendant ces troubles partis d’une manifestation pacifique de femmes contre la vie chère, dans ce petit pays pauvre d’Afrique de l’Ouest. Initialement « les familles de 27 personnes tuées n’ont pas été autorisées à enterrer leurs proches » et « il a fallu plus de deux mois à l’Etat pour restituer les corps des civils » pour leur inhumation en octobre, indique Amnesty.
Pour produire ce rapport, l’ONG dit s’être entretenue avec des témoins, des proches des victimes, des officiels, la police et la société civile. Elle a recueilli le témoignage d’un père dont la fille de 22 ans « aurait été abattue » par les forces de sécurité alors qu’elle « était allée vendre des légumes » et ne participait pas aux manifestations.
Un jeune qui dit n’avoir pas été informé du couvre-feu était assis en train de discuter avec des amis. « Une patrouille de police est arrivée. Nous avons commencé à fuir. J’ai été touché par une balle au bras », dit-il.
La police a arrêté lors de ces troubles « 515 personnes », poursuivies notamment pour « destruction volontaire de biens, comportement séditieux et homicide », mais le nombre encore en détention « n’a pas été révélé », selon Amnesty.
Elle appelle à ce que les personnes encore détenues « puissent consulter un avocat avant leur procès » et que les auteurs « d’homicides, d’actes de tortures et de toute autre forme de mauvais traitements soient traduits en justice ».
Lors de manifestations violentes, les responsables « ne doivent recourir à la force que lorsqu’ils ont épuisé tous les autres moyens pacifiques », affirme la responsable d’Amnesty en Afrique de l’Ouest et du Centre, Samira Daoud, citée dans le rapport.
Selon elle, « tout usage de la force doit en outre être proportionnel à la situation à laquelle ils sont confrontés ». En prévision de l’élection présidentielle en juin, « les autorités doivent veiller à protéger les droits de liberté d’expression et de réunion pacifique ».
Le président sierra-léonais Julius Maada Bio, élu en 2018 et candidat pour un deuxième mandat, avait affirmé que ces émeutes visaient à créer une « insurrection » pour renverser le gouvernement et avait mis en cause l’opposition.
AFP