Des hommes armés non identifiés ont arrêté lundi un certain nombre de dirigeants et d’hommes politiques soudanais lors de raids à l’aube, a indiqué à l’AFP une source gouvernementale, après des semaines de tensions entre les autorités militaires et civiles de transition.
Internet a été coupé dans tout le pays, ont déclaré des journalistes de l’AFP, alors que des dizaines de manifestants se sont rassemblés dans les rues de la capitale Khartoum pour protester contre les arrestations, mettant le feu à des pneus.
« Des hommes armés ont arrêté un certain nombre de dirigeants politiques et gouvernementaux à leur domicile », a déclaré à l’AFP une source gouvernementale.
On ne savait pas immédiatement qui était à l’origine des arrestations, car des hommes en uniforme militaire ont coupé les routes principales menant à la capitale et à sa ville jumelle Omdurman, et la télévision d’État a commencé à diffuser des chansons patriotiques.
L’une des principales forces à l’origine de la révolte de 2019, l’Association des professionnels soudanais, a dénoncé lundi ce qu’elle a qualifié de « coup d’État » et a appelé à une campagne de « désobéissance civile ».
La nouvelle survient deux jours seulement après qu’une faction soudanaise appelant à un transfert du pouvoir à un régime civil a mis en garde contre un « coup d’État rampant », lors d’une conférence de presse qu’une attaque de foule non identifiée avait cherché à empêcher.
Le Soudan connaît une transition précaire entachée de divisions politiques et de luttes de pouvoir depuis l’éviction en avril 2019 du président Omar el-Béchir.
Depuis août 2019, le pays est dirigé par une administration civilo-militaire chargée de superviser la transition vers un régime civil à part entière.
Mais le principal bloc civil – les Forces pour la liberté et le changement (FFC) – qui a dirigé les manifestations anti-Béchir en 2019, s’est scindé en deux factions opposées.
« La crise actuelle est machinée – et prend la forme d’un coup d’État rampant », a déclaré le leader du FFC Yasser Arman lors de la conférence de presse de samedi à Khartoum.
« Nous renouvelons notre confiance dans le gouvernement, le Premier ministre Abdalla Hamdok, et la réforme des institutions de transition – mais sans dictées ni impositions », a ajouté Arman.
– Manifestations rivales –
Les tensions entre les deux parties couvent depuis longtemps, mais les divisions se sont intensifiées après un coup d’État manqué le 21 septembre de cette année.
La semaine dernière, des dizaines de milliers de Soudanais ont défilé dans plusieurs villes pour soutenir le transfert intégral du pouvoir aux civils et pour contrer un sit-in rival de plusieurs jours devant le palais présidentiel de la capitale Khartoum exigeant un retour à un « régime militaire ».
Hamdok a précédemment décrit les scissions au sein du gouvernement de transition comme la « pire et la plus dangereuse crise » à laquelle la transition est confrontée.
Samedi, Hamdok a démenti les rumeurs selon lesquelles il aurait accepté un remaniement ministériel, les qualifiant de « pas exacts ».
Le Premier ministre a également « souligné qu’il ne monopolise pas le droit de décider du sort des institutions de transition ».
Samedi également, l’envoyé spécial américain pour la Corne de l’Afrique Jeffrey Feltman a rencontré Hamdok, le président de l’organe dirigeant du Soudan, le général Abdel Fattah al-Burhan, et le commandant paramilitaire Mohamed Hamdan Daglo.
« Feltman a souligné le soutien américain à une transition démocratique civile conformément aux souhaits exprimés par le peuple soudanais », a déclaré l’ambassade américaine à Khartoum.
Les analystes ont déclaré que les récentes manifestations de masse montraient un fort soutien à une démocratie dirigée par des civils, mais ont averti que les manifestations de rue pourraient avoir peu d’impact sur les factions puissantes poussant à un retour au régime militaire.
AFP