Le ministre tunisien de l’Intérieur Hichem Mechichi a été désigné samedi soir par le président Kais Saied chef du futur gouvernement qui doit former d’ici à un mois son équipe dans un contexte politique tendu.
“Après l’examen et la lecture de toutes les situations (dans le pays) je vous charge de former le gouvernement”, a dit le président tunisien à l’adresse de M. Mechichi au palais de Carthage, dans une vidéo publiée sur la page officielle de la présidence de la République.
Juriste de formation, Hichem Mechichi, 46 ans, n’a pas été proposé par les partis politiques au pouvoir.
Ministre de l’Intérieur dans le gouvernement sortant d’Elyes Fakhfakh, il était le premier conseiller du président Saied, chargé des affaires juridiques.
Cet ancien chef de cabinet des ministères du Transport, des Affaires sociales et de la Santé aura un mois pour former son gouvernement.
Il devra ensuite obtenir la confiance du Parlement à la majorité absolue d’ici à septembre. Faute de quoi, l’Assemblée sera dissoute et de nouvelles élections législatives auront lieu.
La Tunisie, où le dernier scrutin législatif s’est déroulé en octobre, aurait alors 90 jours pour organiser ce vote anticipé, soit avant fin 2020.
Dans une déclaration publiée par la présidence de la République M. Mechichi a estimé que son nouveau poste représente une “ grande responsabilité et un grand défi surtout dans les circonstances actuelles de notre pays” promettant de “travailler pour former un gouvernement qui répondra à toutes les attentes des Tunisiens”.
Sa désignation intervient le jour où la Tunisie fête le 63e anniversaire de la République, un jour qui marque l’abolition du régime monarchique et la proclamation de la République en 1957.
Ce jour commémore aussi le premier anniversaire de décès de Béji Caid Essebsi, premier président tunisien élu au suffrage universel en 2014, mort à quelques mois de la fin de son mandat à l‘âge de 92 ans.
“Habile”
M. Mechichi succèdera à Elyes Fakhfakh qui, fragilisé par une affaire de conflit d’intérêt, a démissionné sous la pression du parti d’inspiration islamiste Ennahdha, qui avait déposé une motion de défiance contre lui.
Le nouveau Premier ministre a la difficile tâche de rassembler une majorité au sein d’un Parlement profondément fragmenté.
Elue en octobre, l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) est composée d’une myriade de partis, dont certains sont à couteaux tirés. C’est le cas notamment du Parti destourien libre (PDL) de l’anti-islamiste Abir Moussi (16 députés sur 217) et du parti Ennahdha, la première force au parlement (54 députés).
Durant les deux dernières semaines, des plénières n’ont pas été tenues en raison des échanges violents entre notamment ces deux blocs, et un sit-in du PDL réclamant le départ du président du parlement Rached Ghannouchi, également chef d’Ennahdha.
Ce dernier fait l’objet d’une motion de retrait de confiance qui sera examinée lors d’une plénière le 30 juillet.
Lundi, le président Saied a mis en garde contre un état de “chaos” au sein du parlement et un “blocage des travaux d’une institution constitutionnelle”.
“Malheureusement l’ARP ne fonctionne pas de façon normale!”, a-t-il dit lundi lors d’une réunion au palais de Carthage avec M. Ghannouchi. Cette situation de blocage au Parlement “ne pourra pas continuer (…) Je ne vais pas rester les bras croisés devant la chute des institutions de l’Etat”, a-t-il ajouté.
“Le contexte actuel exige la présence d’un chef de gouvernement habile, convaincant, connaisseur et surtout moins engagé dans l’appartenance et l’attachement à l’un des partis les plus influents de la scène politique”, a écrit samedi le journal Le Quotidien.
Dans un communiqué publié vendredi, la Ligue tunisienne pour la défense des droits de l’Homme a estimé que les gouvernements successifs n’ont pas réussi à établir “une politique de développement capable de réduire le chômage, les déséquilibres régionaux, l’inflation financière et les déficits commerciaux”.
La Tunisie, qui a pris avec succès des mesures drastiques pour circonscrire l‘épidémie de coronavirus, est frappée de plein fouet par les retombées économiques et sociales de la fermeture des frontières.
Des milliers d’emplois sont sur la sellette alors que la population est déjà exaspérée par le manque de perspectives dans un pays où le taux de chômage officiel dépasse les 30% dans certaines régions et parmi les jeunes.
Ces dernières semaines, le sud du pays a enregistré des mouvements de protestation contre le chômage et une politique de marginalisation.
AFP