Alors que la région de l’est de la République Démocratique du Congo s’enlise dans un conflit prolongé, marqué par des tensions persistantes avec le Rwanda, l’Union africaine (UA) tente de relancer une dynamique diplomatique à travers un choix stratégique : confier la médiation à Faure Essozimna Gnassingbé, président de la République togolaise. Une décision qui traduit à la fois une volonté de continuité, une recherche de neutralité, mais aussi un aveu implicite des limites actuelles de l’action régionale.
Un conflit qui défie les mécanismes régionaux
Depuis plusieurs années, les tentatives de médiation portées par la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC) et la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC) ont échoué à contenir les violences dans le Kivu. Si les processus de Nairobi et de Luanda ont permis quelques avancées diplomatiques, leur impact sur le terrain reste mince face à la complexité des acteurs impliqués – groupes armés locaux, interférences régionales, et un tissu social fracturé.
Dans ce contexte, le président angolais João Lourenço, jusque-là en charge de la médiation au nom de l’Union africaine, a annoncé son retrait lors de la réunion virtuelle du Bureau de l’Assemblée de l’UA, le 5 avril 2025. Une décision qu’il justifie par ses lourdes responsabilités en tant que président en exercice de l’Union, mais qui semble aussi refléter une volonté de relancer la médiation avec une nouvelle dynamique.
Faure Gnassingbé : un choix de rupture ou de prudence ?
La proposition de Faure Gnassingbé comme nouveau médiateur interpelle. Peu attendu dans ce rôle, le président togolais incarne pourtant un profil stratégique : dirigeant d’un pays non frontalier à la crise, perçu comme relativement neutre, et expérimenté en matière de diplomatie régionale. Sa désignation, validée à l’unanimité par les membres du Bureau de l’UA, semble répondre à une logique de « réinitialisation » du processus.
Ce choix peut également être interprété comme une tentative de recentrer le leadership africain sur un acteur plus éloigné des dynamiques de blocs régionaux parfois concurrents, comme ceux représentés par l’EAC et la SADC. En d’autres termes, l’UA cherche un facilitateur capable de surmonter les lignes de fracture géopolitiques africaines.
Une procédure discrète mais lourde de sens
La nomination du président togolais devrait être entérinée par la procédure du silence, un mécanisme diplomatique permettant une validation sans débat formel, sauf objection d’un État membre. Cette méthode, bien qu’efficace, souligne également la délicatesse du sujet : éviter de médiatiser les divisions internes et garantir une transition fluide dans la conduite du processus de paix.
Le président de la Commission de l’UA, Mahmoud Ali Youssouf, a souligné la nécessité de produire une feuille de route claire et inclusive pour guider les prochaines étapes. Il a également réitéré l’engagement de l’Union à fournir le soutien institutionnel nécessaire.
Vers un nouveau souffle ou un pari risqué ?
Cette transition dans la médiation africaine pourrait représenter une opportunité pour redonner de la crédibilité à l’UA dans un conflit devenu emblématique de son impuissance perçue. Toutefois, la réussite de cette mission dépendra fortement de la capacité de Faure Gnassingbé à fédérer autour de lui les différentes sensibilités politiques et militaires en jeu, tout en s’appuyant sur un mandat clair et des moyens concrets.
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