Le Hay’at Tahrir al-Sham (HTC), qui signifie « Organisation pour la Libération du Levant », est une coalition islamiste qui a joué un rôle clé dans le conflit syrien. Initialement considéré comme une branche d’Al-Qaïda, le groupe a depuis évolué, devenant l’un des acteurs les plus influents de la guerre civile en Syrie. La récente prise de Damas et la chute de la dynastie Assad ont mis HTC sous les feux des projecteurs.
Les origines et l’évolution du HTC
Créé en 2017, le HTC est le résultat de la fusion de plusieurs factions rebelles, dont Jabhat Fatah al-Sham, anciennement connu sous le nom de Front Al-Nosra. Cette restructuration visait à donner au mouvement une apparence plus indépendante et nationaliste, en s’éloignant de l’image d’Al-Qaïda.
Au fil des ans, HTC a consolidé son pouvoir dans la province d’Idlib, au nord-ouest de la Syrie, en établissant une administration parallèle et en menant des opérations militaires efficaces contre les forces du régime Assad. Malgré son passé lié à l’extrémisme, le HTC a adopté une stratégie plus pragmatique, tentant de se présenter comme un défenseur des intérêts syriens et non comme une organisation terroriste internationale.
Abou Mohammad al-Joulani : l’homme derrière le HTC
Le leader du HTC, Abou Mohammad al-Joulani, est une figure controversée et charismatique. Né en 1981 en Syrie, il aurait rejoint les insurgés irakiens dans les années 2000, où il a combattu sous la bannière d’Al-Qaïda en Irak, dirigé alors par Abou Moussab al-Zarqaoui.
En 2011, avec le début du soulèvement syrien, Joulani retourne en Syrie pour y établir le Front Al-Nosra. Sous sa direction, le groupe devient rapidement l’un des plus redoutés de l’opposition armée. Charismatique et stratège, il orchestre la transformation d’Al-Nosra en HTC, tentant de dissocier son image du djihadisme transnational pour se concentrer sur les questions syriennes.
Malgré les efforts de repositionnement, Joulani reste controversé, notamment pour ses alliances fluctuantes et les accusations de répression contre d’autres groupes rebelles ou civils. Il est toutefois considéré par ses partisans comme un chef visionnaire ayant permis de contester le régime Assad avec succès.
L’idéologie du HTC
Le HTC prône une application stricte de la charia et un État islamique en Syrie, tout en rejetant les ambitions djihadistes globales d’Al-Qaïda ou de l’État islamique (EI). Cette posture a attiré des soutiens parmi les Syriens fatigués des abus du régime Assad, bien que leur gouvernance dans les zones contrôlées reste marquée par des restrictions sévères.
Leur idéologie repose sur :
- Une forte opposition au régime Assad, considéré comme oppressif et anti-islamique.
- Le rejet des influences étrangères perçues comme coloniales ou interventionnistes, bien qu’ils aient eux-mêmes bénéficié de financements étrangers par le passé.
- Une volonté de gouverner les territoires conquis à travers des institutions islamiques.
Le rôle du HTC dans la chute d’Assad
La prise de Damas par le HTC marque le point culminant de leur stratégie militaire et politique. Leur succès repose sur :
- Une tactique militaire audacieuse, alliant des attaques éclair à une mobilisation efficace des combattants.
- La coordination avec d’autres factions rebelles dans un objectif commun de renverser le régime.
- Une exploitation des failles dans les lignes de défense d’Assad, affaibli par des années de guerre et d’isolement diplomatique.
L’avenir sous le HTC : espoir ou crainte ?
La montée en puissance du HTC suscite des réactions contrastées. Pour certains Syriens, il s’agit d’une opportunité de tourner la page après des décennies de répression. Pour d’autres, la victoire du HTC représente une menace, compte tenu de leur vision islamiste stricte et de leur passé marqué par des violences.
À l’international, les grandes puissances observent la situation avec prudence. Si la chute d’Assad est perçue comme une victoire contre l’autoritarisme, la prise de pouvoir par un groupe considéré comme extrémiste soulève des inquiétudes quant à la stabilité future de la Syrie et de la région.
Un tournant pour la Syrie
Le HTC, sous la direction d’Abou Mohammad al-Joulani, se retrouve aujourd’hui face à un défi immense : transformer une victoire militaire en gouvernance stable et acceptable pour une population diverse et épuisée. La capacité du groupe à évoluer et à répondre aux attentes des Syriens déterminera s’il peut réellement incarner une alternative viable ou s’il conduira le pays vers une nouvelle phase de conflits et de divisions.
La rédaction