La justice française a reconnu mardi l’Etat gabonais comme partie civile dans l’enquête sur le luxueux patrimoine immobilier en France de la famille Bongo évalué « à 85 millions d’euros ».
Cette décision a été rendue par la cour d’appel de Paris qui a ainsi infirmé une ordonnance rendue par un juge d’instruction, a appris l’AFP mercredi de sources proches du dossier.
La République du Gabon contestait une ordonnance du 7 février 2022 par laquelle le juge d’instruction lui refusait le statut de victime dans cette information judiciaire ouverte en 2010, ainsi que le demandait l’association anticorruption Transparency International appuyée par le parquet national financier (PNF). Contacté, l’avocat du Gabon n’a pas répondu à l’AFP.
Le juge d’instruction avait estimé dans son ordonnance que la République du Gabon n’avait pu prouver de « préjudice en relation directe avec les infractions » et soulignait que cet Etat « conteste de fait la réalité des infractions dénoncées », malgré une note des avocats du pays d’Afrique centrale indiquant le contraire.
L’ordonnance rappelait que le Gabon avait demandé par le passé à ce qu’il n’y ait pas d’enquête ou essayé de faire reconnaître comme incompétente la justice française. Pour Me William Bourdon et Apolline Cagnat, avocats de Transparency International, la décision de la chambre de l’instruction est « incompréhensible, s’agissant du pays dont les dirigeants père et fils Bongo ont toujours contesté le moindre détournement », et parce que dans un autre dossier, celui de la Guinée-Equatoriale, le statut de victime avait été refusé par la cour d’appel à ce pays.
Ce statut de victime reconnu au Gabon est « paradoxal, comme si pouvait être envisagé de restituer à un braqueur le produit de son vol », selon les deux avocats. Plusieurs membres de la famille Bongo, d’Omar le défunt père à Ali le fils et actuel président, en passant par d’autres proches, notamment la fille Pascaline, sont suspectés d’avoir bénéficié d’un important patrimoine immobilier « frauduleusement » acquis et évalué par la justice « à 85 millions d’euros ».
Au moins neuf enfants d’Omar Bongo ont été mis en examen dans ce dossier depuis mars 2022, notamment pour recel de détournement de fonds publics. Selon les deux sources proches du dossier, des demandes de plusieurs d’entre eux d’annuler leurs mises en examen ont en revanche été rejetées mardi par la cour d’appel. En juillet 2021, le Parlement français a voté un dispositif de restitution aux populations des avoirs saisis dans les affaires de biens mal acquis.
AFP