L’Ethiopie a demandé l’ouverture d’une enquête pour « forfaiture » à l’encontre du patron de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) Tedros Adhanom Ghebreyesus pour ses commentaires sur la situation humanitaire au Tigré, région du nord de l’Ethiopie en guerre depuis plus d’un an, dont il est lui-même originaire.
« Nulle part ailleurs dans le monde nous assistons à un enfer comme au Tigré », a affirmé jeudi le directeur général de l’OMS, le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus. Il est « épouvantable et inimaginable à notre époque, au 21e siècle, qu’un gouvernement refuse à son propre peuple, depuis plus d’un an, l’accès à la nourriture, aux médicaments et à tout ce qu’il faut pour survivre », a ajouté le Dr Tedros en appelant à une résolution « politique et pacifique » du conflit qui oppose depuis novembre 2020 le régime fédéral éthiopien aux rebelles tigréens.
Ces commentaires menacent l’intégrité de l’OMS, a affirmé le gouvernent éthiopien dans un communiqué diffusé jeudi soir, en appelant à l’ouverture d’une enquête sur son directeur général pour « forfaiture et violation de sa responsabilité professionnelle et légale ». « Il s’est immiscé dans les affaires intérieures de l’Ethiopie, y compris dans les relations de l’Ethiopie avec l’Etat d’Erythrée », a dénoncé le ministère éthiopien des Affaires étrangères, citant un courrier envoyé à l’OMS.
Le gouvernement éthiopien accuse le Dr Tedros de soutenir le Front de libération du Peuple du Tigré (TPLF), parti qui a dirigé l’Ethiopie durant près de 30 ans, jusqu’à l’arrivée au pouvoir de l’actuel Premier ministre Abiy Ahmed. Tedros a « répandu de fausses informations très dommageables et compromis la réputation, l’indépendance et la crédibilité de l’OMS, de manière évidente avec ses prises de position sur les réseaux sociaux qui endossent la terreur perpétrée par le TPLF contre le peuple éthiopien », poursuit le ministère.
La mission de l’Ethiopie aux Nations unies a également protesté contre les propos tenus par le chef de l’OMS et l’a appelé à « se récuser de tout sujet concernant l’Ethiopie ». – « Mauvaise plaisanterie » – Le ministère éthiopien des Affaires étrangères a par ailleurs affirmé que la communauté internationale devrait « tenir le TPLF pour responsable d’affamer la population du Tigré, au nom duquel il commet ces ravages ».
Les rebelles tigréens lui ont répondu dans un communiqué publié vendredi soir, qualifiant cette accusation d' »absurde » et de « mauvaise plaisanterie ». « Le régime criminel d’Abiy, au lieu de chercher à trouver une solution de bonne foi, est occupé à monter des histoires fictives pour se dérober à la responsabilité d’utiliser la faim comme arme de guerre », poursuit le TPLF.
Abiy Ahmed a envoyé en novembre 2020 l’armée fédérale au Tigré pour en destituer les autorités régionales, issues du TPLF, qui contestaient son autorité et qu’il accusait d’avoir attaqué des bases militaires. Le conflit a fait plusieurs milliers de morts, plus de deux millions de déplacés et plongé des centaines de milliers d’Ethiopiens dans des conditions proches de la famine, selon l’ONU.
Vendredi, le Programme alimentaire mondial (PAM) a affirmé qu’aucun de ses convois n’avait atteint la capitale du Tigré Mekele depuis mi-décembre, et que les réserves d’aliments fortifiés pour les enfants malnourris étaient épuisées. « Nous devons maintenant choisir qui (n’aura pas à manger) pour éviter que quelqu’un d’autre ne soit affamé (…) Nous sommes au seuil d’un désastre humanitaire », a déclaré Michael Dunford, directeur régional du PAM pour l’Afrique de l’Est, dans un communiqué.
AFP