Des enquêteurs de la Mission des Nations Unies au Mali (MINUSMA) concluent dans un rapport publié mardi que la force française Barkhane a frappé un rassemblement « très majoritairement composé de civils » le 3 janvier 2021 près du village de Bounty.
Suite aux allégations faisant état de la mort de plusieurs civils suite à une frappe aérienne à proximité du village de Bounty le 3 janvier 2021, la MINUSMA, à travers sa Division des droits de l’homme et de la protection, a déployé une mission spéciale d’établissement des faits du 4 janvier au 20 février 2021, avec l’appui de la Force et le soutien de la police scientifique des Nations Unies et de l’information publique, en vue de faire la lumière sur les informations et allégations reçues, a expliqué la Mission dans un communiqué de presse.
L’équipe de la mission composée de quinze chargés des droits de l’homme, avec le soutien de deux experts de la police scientifique des Nations Unies et de deux chargés de l’information publique a effectué ses travaux à Bamako, Mopti, Sévaré, Douentza et Bounty.
L’équipe a organisé des entretiens présentiels individuels avec au moins 115 personnes et avec au moins 200 personnes lors des réunions groupées, et réalisé plus d’une centaine d’entretiens téléphoniques. Elle a également analysé au moins 150 publications, notamment des communiqués et déclarations officiels, des articles de presse, des déclarations et positions d’autres acteurs et des sources ouvertes ainsi que des photographies et vidéos concernant la frappe de Bounty.
Le 25 janvier 2021, avec l’appui et la couverture aérienne de la force de la MINUSMA, l’équipe s’est rendue à Bounty et visité le lieu de la frappe aérienne, l’endroit présumé d’enfouissement des dépouilles des personnes tuées par la frappe ainsi que le village.
« Je me félicite que ce travail important de la MINUSMA, en conformité avec son mandat relatif aux droits de l’homme, ait pu être réalisé avec la coopération de toutes les parties concernées », a déclaré le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies au Mali, et Chef de la MINUSMA, Mahamat Saleh Annadif.
Une célébration de mariage
« Au terme de l’enquête, la MINUSMA est en mesure de confirmer la tenue d’une célébration de mariage qui a rassemblé sur le lieu de la frappe, une centaine de civils parmi lesquels se trouvaient cinq personnes armées, membres présumés de la Katiba Serma », précise le communiqué de presse.
« Au moins 22 personnes, dont trois des membres présumés de la Katiba Serma présents sur le lieu du rassemblement, ont été tuées par la frappe de la Force Barkhane survenue le 3 janvier 2021 à Bounty. Sur les 22 personnes tuées, 19 l’ont été directement par la frappe dont 16 civils tandis que les trois autres civils ont succombé des suites de leurs blessures au cours de leur transfèrement pour des soins d’urgence. Au moins huit autres civils ont été blessés lors de la frappe. Les victimes sont tous des hommes âgés de 23 à 71 ans dont la majorité habitait le village de Bounty », ajoute le communiqué.
L’équipe n’a constaté sur le lieu de l’incident « aucun élément matériel qui aurait pu attester la présence d’armes ou de motos tel qu’établi par le rapport des experts de la police scientifique des Nations Unies ».
Le groupe touché par la frappe était « très majoritairement composé de civils qui sont des personnes protégées contre les attaques au regard du droit international humanitaire ». « Cette frappe soulève des préoccupations importantes quant au respect des principes de la conduite des hostilités, notamment le principe de précaution dont l’obligation de faire tout ce qui est pratiquement possible pour vérifier que les cibles sont bien des objectifs militaires », estime la MINUSMA.
Au terme de l’enquête, la MINUSMA recommande aux autorités maliennes et françaises de diligenter « une enquête indépendante, crédible et transparente » afin d’examiner les circonstances de la frappe et son impact sur la population civile de Bounty ; d’examiner de manière approfondie les processus de mise en œuvre des précautions lors de la préparation d’une frappe ainsi que des critères utilisés pour déterminer la nature militaire de l’objectif aux fins de l’application du principe de distinction y compris l’appartenance à un groupe armé à la lumière de cet incident et à y apporter des modifications si nécessaires ; d’enquêter sur les possibles violations du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme et d’établir les différentes responsabilités et d’octroyer le cas échéant une réparation appropriée aux victimes et aux membres de leurs familles.