L’un des principaux enjeux du scrutin sera de voir si les électeurs favorables à l’opposition, parmi les onze millions d’inscrits, décident ou non de rester chez eux.
« On ne veut plus de manifestation, on ne veut plus de problème dans le pays.On veut choisir par nous-mêmes, en votant », explique à l’AFP Alain Randriamandimby, 43 ans, imprimeur de T-shirts, au petit matin dans un bureau de vote de la capitale Antananarivo, dite « Tana ».
« Je n’apprécie pas tellement que certains aient dit que nous devons rester chez nous.C’est le désordre total à Madagascar, il faut avancer et élire un président », râle Romualdine Ramahandry, 40 ans, qui vend des Bibles dans les rues pour gagner sa vie.
Les électeurs se présentent en petits groupes, sans se presser.A la sortie d’isoloirs rudimentaires, ils repartent le pouce enduit d’encre indélébile vert-doré.
« Je vote mais on sait bien que c’est pas normal. Il n’y a que quelques candidats qui ont fait campagne », rappelle Eugène Rakatomalala, 43 ans, petit chapeau de paille perché sur le front et barbichette taillée en pointe.
Les bureaux de vote doivent rester ouverts jusqu’à 17 heures (14H00 GMT) sur la grande île de l’océan Indien, dont la population de 29 millions d’habitants demeure l’une des plus pauvres de la planète en dépit d’importantes ressources naturelles.
En 2018, la participation au premier tour avait été inférieure à 55%.Finalement élu à l’issue de ce scrutin, Andry Rajoelina, 49 ans, qui avait accédé une première fois au pouvoir en 2009 à la faveur d’une mutinerie chassant l’ex-président Marc Ravalomanana, brigue un second mandat.
Depuis un récent scandale sur sa double nationalité française et malgache, son éligibilité est contestée par l’opposition, qui dénonce des manœuvres du pouvoir pour le reconduire.
– Manger –
Dix opposants et candidats, ralliés dans un collectif rassemblant notamment deux ex-présidents et d’anciens ministres, ont réclamé une suspension du processus électoral.
« Nous refusons l’élection de jeudi et nous appelons tous les Malgaches à considérer que cette élection n’existe pas », avait déclaré mardi au nom du collectif le candidat Hajo Andrianainarivelo, 56 ans.
Depuis début octobre, les opposants ont multiplié les appels à manifester dans la capitale. Ces protestations, régulièrement dispersées au gaz lacrymogène, n’ont toutefois mobilisé que quelques centaines de soutiens.
Le préfet d’Antananarivo, dénonçant mercredi des « actes de sabotage » contre des bureaux ou matériels de vote, a déclaré un couvre-feu nocturne jusqu’à jeudi 04H00 locales (01H00 GMT).
Le collectif d’opposition avait promis de continuer la contestation ces jours-ci.Mais à la veille du scrutin, un appel à rassemblement a finalement été annulé.Et aucun mot d’ordre n’a été donné pour jeudi.
Andry Rajoelina s’est dit, lors d’un récent entretien à l’AFP, sûr de l’emporter au premier tour.Déployant de gros moyens, il a sillonné le pays en hélicoptère ou avion privé pendant la campagne.
« C’est irresponsable d’inciter les électeurs à ne pas aller voter », avait fustigé sa porte-parole de campagne, Lalatiana Rakotondrazafy, accusant l’opposition de vouloir « saboter » le scrutin par « une tentative de prise en otage de toute la nation ».
La crise politique dans le pays a été déclenchée en juin par la révélation dans la presse de la naturalisation française, en toute discrétion, d’Andry Rajoelina en 2014.
Selon l’opposition, il a dès lors perdu sa nationalité malgache et ne peut pas se présenter au scrutin.Mais la justice a refusé d’invalider sa candidature.
Josiane Rasomalala, 41 ans, vient voter en marinière trouée et tongs. »Le matin, je ne mange pas, seulement un peu le midi et le soir, sinon je ne m’en sors pas, je n’ai pas assez.Je vote parce qu’il nous faut une vie meilleure », confie-t-elle à l’AFP.